Cliquez ici pour consulter la documentation la plus récente.
lopinion.ma - Face au risque d’utilisation de drones iraniens par les milices du Polisario dans le Sahara marocain, quel est l’arsenal dont dispose les FAR pour répondre à cette menace et quelle est la stratégie de défense à mettre en place ?
La guerre en Ukraine est quotidiennement la scène de bombardements, de massacres, d’exécutions parfois, mais aussi et surtout de souffrances des populations civiles touchées profondément dans leurs esprits et dans leurs chairs. Mais pour les industriels de l’armement et en particulier pour les firmes de drones, ce conflit armé est véritablement une aubaine. Car un affrontement militaire de cette envergure constitue une vitrine à ciel ouvert pour exposer aux yeux des stratèges militaires l’efficacité des nouveaux systèmes d’armes utilisées.
Et durant ce conflit, deux armes se sont particulièrement distinguées sur le champ de bataille: le drone turc Bayraktar-TB2 utilisé par l’armée ukrainienne au début de ce conflit et le drone iranien Shahed-136 opéré par les militaires russes tout récemment. Avec pour effet immédiat des demandes adressées par 22 pays pour acquérir les drones iraniens qui ont fait preuve de leur efficacité, selon une déclaration récente du Général-Major Yahya Rahim Safavi, conseiller militaire personnel du guide suprême de la République Islamique d’Iran.
Ce responsable iranien vient donc de confirmer les craintes exprimées par Omar Hilale, représentant permanent du Maroc à l’ONU, sur l’intention du Polisario de se doter de drones iraniens. Donc, ce qui avait été prédit par la diplomatie marocaine va bien se concrétiser sur le terrain militaire. Les milices du Polisario seront incessamment équipées de drones de combat iraniens dans l’objectif de tenter de porter des attaques contre le mur de défense, voire d’essayer de viser des villes des provinces du Sud du Royaume.
Les Forces Armées Royales (FAR) étant déjà équipées de drones israéliens, le Sahara marocain risque de devenir le théâtre d’affrontements entre drones et équipement de guerre électronique israéliens et iraniens. Mais que valent réellement les drones iraniens et qu’elle devrait être l’issue d’un affrontement probable entre systèmes d’armes iraniens et israéliens ?
Quelle efficacité ont les drones iraniens low-cost ?
En étant utilisés pour la première fois sur le théâtre d’opérations en Ukraine, les drones iraniens ont effectué une entrée fracassante dans le marché très restreint des drones à usage militaire. Comme tout système d’arme déployé pour la première fois sur un champ de bataille, les drones iraniens ont causé énormément de dégâts chez l’armée ukrainienne qui ignorait tout des capacités de ce drone kamikaze.
Dès lors, en attendant que les Ukrainiens en capturent quelques modèles pour les démonter, les étudier puis développer des systèmes de contre-mesure, les drones iraniens risquent encore d’occasionner d’énormes pertes dans les rangs de l’armée ukrainienne. Le modèle le plus utilisé, le Shahed-136, est un drone suicide de taille moyenne (2.5 m d’envergure) qui peut être arrimé d’une charge explosive de 50 kg et peut atteindre une portée utile de 1000 km. Il a pour avantage principal d’être difficilement détectable par radar grâce à la quasi-absence de pièces métalliques dans sa conception et grâce à sa faible signature thermique. Ce qui le rend pratiquement invulnérable aux MANPADS (missile sol-air léger, porté sur l’épaule du tireur).
Ce drone low-cost Shahed-136, dont le prix avoisine les 20.000 $, est programmé avant son lancement sur les coordonnées GPS de sa cible, qui doit donc obligatoirement rester fixe. Ainsi, ce drone n’est d’aucune utilité contre des unités ennemies en mouvement.
Au vu de ces capacités, si les milices du Polisario parviennent à acquérir des drones Shahed-136, les objectifs visés pourraient être la ligne de défense ou des positions d’unités statiques dans les provinces du Sud du Royaume. Néanmoins, leur utilisation nécessite des moyens de surveillance et de reconnaissance aériens pour repérer et géolocaliser les cibles, ce dont ne dispose pas encore le Polisario. Le Mohajer-6, à la différence du Shahed-136, est conçu pour rentrer à sa base une fois la mission terminée. Il dispose quant à lui de capacités d’attaque et de capacités ISR (Intelligence, Surveillance & Reconnaissance).
Flotte marocaine de drones diversifiée, avec prédominance de modèles israéliens
Les Forces Armées Royales FAR qui ont adopté une démarche anticipative dans l’acquisition d’armes et de technologies de rupture, ont été précurseurs dans l’acquisition et l’utilisation de drones dans la région.
Ayant très tôt assimilé l’avantage que procurent ces nouveaux systèmes d’arme, les FAR ont investi beaucoup de moyens pour étoffer leur flotte de nombreux types de drones. Ainsi, l’armée marocaine est la première en Afrique à s’être équipée de drones turcs Bayraktar-TB2, avant que le carnet de commande de l’entreprise Baykar ne soit surchargé après les succès enregistrés par ce drone dans le conflit du Haut-Karabagh et en Ukraine. Les FAR ont aussi dans leur arsenal des drones Wing Loong-1 chinois, acquis suite à un don des Emirats Arabes Unis en 2020, complétés par une livraison récente du Wing Loong-2.
Par ailleurs, le Maroc attend encore la livraison de drones américains MQ-9B SeaGuardian, qui nécessite un accord préalable du Sénat américain. Néanmoins, dans cette flotte de drones de diverses nationalités, il faut noter la prédominance des drones israéliens, facilitée par l’accord de coopération militaire signé entre Rabat et Tel Aviv en novembre 2021.
Ainsi, les FAR ont déjà acquis des drones Harfang pour des missions ISR (Intelligence, Surveillance & Reconnaissance) et de désignation d’objectifs, des drones Harop considérés comme des systèmes d’arme hybrides (entre drones et missiles) puis enfin tout récemment des drones tactiques Wander-B et Thunder-B, prévus pour être produits au Maroc dans ce qui sera probablement le premier site industriel de fabrication d’armement national. Enfin, les FAR ont manifesté leur intérêt pour des drones Hermes-450 et leur version améliorée Hermes-900, qui ont été utilisés par l’armée azerbaïdjanaise lors du conflit contre l’Arménie.
Quel avantage technologique ?
Dans une confrontation entre drones et systèmes de défense anti-aériens, le rapport de force bascule normalement en faveur des forces armées qui bénéficient de l’avantage technologique et de la supériorité numérique. Et selon Olivier Dujardin, chercheur au CF2R et spécialiste des systèmes d’armes et en guerre électronique, l’avantage technologique est clairement en faveur du matériel israélien à l’heure actuelle. Le cercle des pays détenteurs des technologies de pointe dans le domaine de la fabrication de drones militaires est limité à quelques puissances seulement.
Mariane Renaux, experte en aéronautique et drones, dresse d’ailleurs un état des lieux de ces puissances dans un article de TV5 Monde du 22 octobre 2022 : "Le sommet du marché est occupé par les Etats-Unis et Israël. Les drones turcs sont en dessous, mais sont plus fiables que les drones iraniens qui semblent ne pas avoir une grande précision".
Le même constat est fait par Jeremy Binnie, analyste au centre de recherche britannique sur la défense Jane’s, qui estime que "les industries de défense iraniennes ont tendance à privilégier le côté bon marché au contrôle qualité, de sorte que leurs systèmes présentent généralement un taux de défaillance assez élevé".
L’avantage technologique étant ainsi nettement en faveur du matériel israélien, dont sont dotés les FAR, les milices du Polisario devront acquérir un nombre très important de drones iraniens pour espérer rivaliser dans la bataille des drones et systèmes de défense anti-aériens qui risque de faire rage dans le Sahara marocain dans les mois qui viennent. Malheureusement, ils pourront compter sur le coût très abordable des drones Shahed-136 et sur la générosité de l’Etat algérien, prêt à tout pour alimenter ce conflit, afin d’acquérir un arsenal conséquent de drones iraniens.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire