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lesechos.fr - L'Union européenne, les pays du G7 et l'Australie devraient prochainement fixer entre 65 et 70 dollars le prix maximum du baril de brut russe transporté par tanker. Les pays européens sont divisés. Pour les économistes, la fourchette évoquée est encore trop élevé pour véritablement handicaper la Russie.
Assécher les revenus pétroliers de la Russie sans déstabiliser l'approvisionnement en or noir au niveau international qui provoquerait une envolée des prix. C'est l'équation à résoudre par les pays occidentaux qui s'apprêtent à annoncer l'instauration d'un prix plafond pour le baril de pétrole russe. L'Union européenne, les pays du G7 et l'Australie devaient franchir le pas dans les prochaines heures. Mais les Européens n'ont pas réussi à trouver un consensus.
L'exécutif européen penche pour un niveau de 65 dollars le baril, que la Pologne et les pays baltes ont rejeté comme étant trop généreux envers Moscou. Plusieurs pays dotés d'importantes industries maritimes, dont la Grèce, ne veulent pas descendre en dessous de 70 dollars.
Pour l'heure, ce prix plafond reste donc dans une fourchette allant de 65 à 70 dollars. Le prix actuel du Brent est d'environ 85 dollars, mais il a largement dépassé les 100 dollars une grande partie de l'année après l'invasion de l'Ukraine. « Notre objectif est de revoir [ce niveau] régulièrement, ce qui, de mon point de vue, devrait se produire chaque trimestre voire chaque semestre car nous ne souhaitons pas plonger les marchés dans l'incertitude », a indiqué à Reuters un responsable américain.
Concrètement, le mécanisme interdirait aux entreprises de fournir le transport maritime et les services, tels que l'assurance, le courtage et l'assistance financière, nécessaires pour transporter le pétrole russe partout dans le monde, à moins que le pétrole ne soit vendu en dessous du seuil convenu. Les cargaisons achetées à des prix supérieurs à ce niveau perdraient ainsi l'accès aux navires européens et britanniques, aux assurances et à d'autres services.
Un projet édulcoré
Il reste qu'entre les Européens et les Américains, l'absence de consensus clair a conduit à une certaine édulcoration du plan d'origine. L'Union européenne proposerait des assouplissements par rapport à ce que les Vingt-Sept avaient énoncé, le mois dernier , dans le dernier paquet de sanctions contre la Russie. Bruxelles avait envisagé des restrictions indéfinies sur les navires transportant du pétrole russe au-dessus du plafond de prix.
Les sanctions sur ces navires seraient désormais limitées à une période de 90 jours. L'Europe proposerait également d'ajouter une période de transition de 45 jours à l'introduction du plafond, selon l'agence Bloomberg. La période de grâce proposée s'appliquerait au pétrole chargé avant le 5 décembre 2022 - date à laquelle les sanctions pétrolières européennes doivent entrer en vigueur - et déchargé avant le 19 janvier 2023. De ce fait, l'Union européenne s'alignerait sur une clause précédemment annoncée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
Reste à savoir si le dispositif envisagé sera efficace. En septembre dernier, lors d'un débat organisé par le Center for Economic and Policy Research (CEPR), Barry Eichengreen, professeur d'économie à Berkeley interrogeait : « 95 % de la souscription d'assurance pour les pétroliers est fournie par les consortiums du G7. Combien de temps, cependant, faudra-t-il avant que les Chinois ne commencent à se substituer ? »
Autre question, le plafond envisagé reste bien supérieur au coût de production de la Russie. La Russie vendant déjà son pétrole à prix réduit, le plafond évoqué pourrait avoir un impact minime sur les échanges. « Le pétrole russe se négocie actuellement avec une décote importante par rapport au Brent, à environ 65 dollars le baril », a indiqué à Bloomberg Simone Tagliapietra, chercheur au groupe de réflexion Bruegel. « Si le plafond des prix du G7 pour le pétrole russe était fixé à un niveau similaire, cela ne ferait pas beaucoup de mal à la Russie. »
Pour Robin Brooks, l'économiste en chef de l'IIF, l'association des grandes banques internationales, « le plafonnement des prix du G7 pourrait plonger la Russie dans une crise financière en réduisant les recettes que Poutine tire du pétrole. Un plafond de 65 dollars ne fait pas cela, car le brut de l'Oural est de toute façon à peu près à ce niveau. Ce n'est pas le jeu offensif dont a besoin le G7. Au moins, le plafond pourra être abaissé à l'avenir… »
Les livraisons à l'Europe en net recul
En outre, à deux semaines de l'entrée en vigueur des sanctions de l'Union européenne, la Russie a déjà perdu plus de 90 % de son marché dans les pays du nord de l'Europe, auparavant le pilier des expéditions depuis les terminaux de la Baltique et de l'Arctique. La Russie n'a expédié quotidiennement que 95.000 barils vers le port de Rotterdam, seule destination européenne restante pour les livraisons maritimes en dehors du bassin de la Méditerranée et de la mer Noire, dans les quatre semaines précédant le 18 novembre.
Un chiffre en net repli par rapport à début février avant la guerre, où il était enregistré plus de 1,2 million de barils par jour. Les trois quarts du brut chargé dans les ports russes de la Baltique sont désormais dirigés vers l'Asie. Le volume de brut sur les navires en direction de la Chine, de l'Inde et de la Turquie, ainsi que les quantités de pétrole russe sur les navires qui n'ont pas encore indiqué de destination finale, ont atteint un record de 2,45 millions de barils quotidiens dans les quatre semaines précédant le 18 novembre. A ce stade, le plafond envisagé par le G7 et l'Union européenne risque d'être un coup d'épée dans l'eau.
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