vendredi 4 novembre 2022

(FR) Guerre en Ukraine : Qu’est-ce que la "ligne Wagner", cette ligne de défense russe voulue à l’est ?

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La "ligne Wagner" de défense russe en cours de construction dans l'est de l'Ukraine.

Selon ouest-france.fr - Mi-octobre, le groupe paramilitaire Wagner a annoncé avoir entamé la construction d’une ligne fortifiée de défense dans la région de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine. Plusieurs tronçons de cette ligne de défense aussi appelée la "ligne Wagner" ont été observés depuis des images satellites. De quoi est composée cette ligne fortifiée? Jusqu’où ira-t-elle? À quoi doit-elle servir? On fait le point.

Des blocs de bétons et des fossés pour contrer les chars ukrainiens. Dans l’est de l’Ukraine, dans la région de Lougansk, annexée par Moscou en septembre 2022, le groupe paramilitaire Wagner a annoncé mi-octobre 2022 par l'homme d'affaires russe Evguéni Prigojine, avoir commencé la construction d’une ligne de défense, aussi appelée la « ligne Wagner ».

De quoi est-elle composée ? Jusqu’où ira-t-elle ? À quoi doit-elle servir ? Pourra-t-elle vraiment empêcher les blindés ukrainiens d’avancer ? On fait le point.


Des « dents de dragon » pour contrer les blindés ukrainiens

Cette ligne fortifiée se compose de deux doubles rangées de blocs de bétons pyramidaux aussi appelés "dents de dragon", pouvant faire penser à la « ligne Siegfried » construite par les Allemands pendant en 1916 et 1917, la Seconde Guerre mondiale. Entre ces deux rideaux défensifs, une tranchée profonde complète le dispositif.

Le terrain est-il miné ? « Pour l’instant on ne le sait pas », explique Carole Grimaud, experte en stratégie et en géopolitique de la Russie et membre de l’observatoire géostratégique de Genève.



Dents de dragon de la ligne Siegfred, près d'Aix-la-Chapelle en Allemagne. La ligne Siegfried d'origine est une des zones de la ligne Hindenburg construite par l'Allemagne en 1916 et 1917, pendant la Première Guerre mondiale..

L’objectif : empêcher les blindés ukrainiens d’aller plus loin. Mais ce dispositif est-il vraiment impossible à franchir ? « Cette ligne n’est pas infranchissable, c’est comme la ligne Maginot », estime Carole Grimaud.

Certains observateurs du conflit estiment d’ailleurs que cette fortification présente plusieurs défauts. Pour Xavier Tylelman, observateur du conflit et consultant en défense qui s’est confié à nos confrères du Parisien : « Les dents de dragon devraient être en partie enterrées de manière à ne laisser dépasser que la pointe. Là il suffit d’un simple bulldozer blindé pour les retourner. »

Si cette ligne n’est finalement pas si redoutable, elle représente en revanche un bon moyen « pour gagner du temps », note Carole Grimaud. « Même si elle n’est pas infranchissable, elle pose un obstacle. Pour l’armée russe, cela peut permettre de gagner du temps sur d’autres fronts. Et s’il y a des mines, alors là c’est encore autre chose, car déminer un terrain avant de laisser passer les blindés ça demande du temps. »


Des tronçons de la ligne révélés par des images satellites

Où en est là construction de cette ligne fortifiée ? Depuis quelques jours de nombreuses images satellites montrant des tronçons déjà construits de la ligne circulent sur les réseaux sociaux et dans la presse.




Les Russes créent une ligne de défense dans l'oblast de Luhasnk qui rappelle la Seconde Guerre mondiale. La ligne défensive se compose de deux rangées de "dents de dragon", suivies d'une tranchée probablement destinée à arrêter les véhicules, puis de positions de tir pour l'infanterie et les véhicules.

Vendredi 21 octobre 2022, CNN diffusait des images satellites de l’entreprise Maxar Technologies qui a localisé un bout de la ligne près de la ville de Hirske, dans la région de Lougansk. Selon le média américain, la « ligne Wagner » s’étendait à ce moment-là sur près deux kilomètres.

De son côté, ABC un autre média américain, publiait lundi 24 octobre 2022 des images satellites de Planet Labs. Le média estimait pour sa part que la ligne de défense s’étirait sur un peu plus 12 kilomètres après avoir repéré un autre tronçon aux environs de la ville de Popasna, elle aussi située dans la région de Lougansk.

Sur cette image satellite reprise sur le compte twitter de Benjamin Pittet, analyste de données chez Planet Labs, on peut apercevoir un morceau de la « ligne de Wagner ».

Des « dents de dragon » auraient aussi été disposées sur des territoires russes. Notamment dans la région de Belgorod touchée à plusieurs reprises par des bombardements à la mi-octobre 2022. Selon Franceinfo , le gouverneur, Viatcheslav Gladkov, a d’ailleurs confirmé cette construction.

Dans la région de Koursk, le gouverneur aurait aussi annoncé une installation similaire. « Du côté russe, cette ligne est proposée comme une ligne de défense pour protéger les habitants de ces régions des attaques et ripostes ukrainiennes qu’ils ont déjà subis », suppose Carole Grimaud.


Une ligne fortifiée prévue sur une centaine de kilomètres

Jusqu’où cette ligne va-t-elle s’étendre ? Aucune précision n’a été donnée sur la longueur de cette ligne de défense, ni sur son emplacement exact ou le temps que pourraient prendre les travaux, lors de l’annonce de la construction de ce ruban défensif mi-octobre 2022.

D’après nos confrères de Franceinfo , la ligne devrait s’étendre sur environ 200 kilomètres. Selon une carte du projet final dévoilée par RIA FAN (se présentant comme une agence de presse fédérale russe) et reprise par nos confrères, la fortification couperait la région de Lougansk en deux. Ainsi la ville de Lyssytchansk serait protégée mais pas Sievierodonestsk située pourtant à une dizaine de kilomètres de là.




Selon le RIA FAN de Prigozhin, il s'agit d'une carte de la ligne défensive que Wagner est en train de construire dans le Donbass.

À en croire le tracé de cette carte, la ligne s’étendrait donc sur un axe Sud-Nord, en partant de la ville de Svitlodarsk située dans la région de Donetsk jusqu’à la rivière Donets puis repartirait vers l’est en direction de la frontière.

« Ce tracé [de la carte dévoilée par RIA FAN], si on le compare avec une carte des régions acquises par la Russie lors de la guerre du Donbass en 2014 est assez équivalent », indique Carole Grimaud.


Un projet symbolique ou une véritable stratégie militaire ?

Difficile pour le moment de connaître les ambitions de la Russie avec cette ligne fortifiée. Le projet n’en est qu’à son début et les contours restent encore flous.

Pour Carole Grimaud, cette ligne serait d’abord un message symbolique porté aux habitants de ces territoires : « C’est une opération de propagande pour montrer que la Russie est là pour les protéger. »

Mais que dire des habitants du nord de Lougansk (région annexée en septembre 2022 par Moscou après un « référendum » largement dénoncé par Kiev et les alliés occidentaux) qui, selon le tracé dévoilé par RIA FAN, ne seraient pas protégés par cette ligne de défense ? « Pour l’instant, la Russie n’a aucune intention d’abandonner les autres territoires. D’ailleurs, je ne pense pas que Moscou cessera les combats dans ces régions-là. Elle a toujours pour ambition de gagner plus de territoires, mais avec cette ligne de défense, elle se réserve la sécurité de garder les territoires conquis il y a plusieurs années. »

Pourtant, face à son adversaire, cette ligne fortifiée n’envoie-t-elle pas un message aux Ukrainiens présageant que la Russie s’attend à céder du terrain ? « Si cette ligne ne sert qu’à se défendre, alors oui, on peut interpréter cela comme un aveu d’échec de la part des Russes », analyse Carole Grimaud.

À l’inverse, l’experte en stratégie et en géopolitique de la Russie avance aussi la possibilité d’une stratégie offensive. "En plus de gagner du temps, cette ligne de défense pourrait aussi permettre aux Russes de diriger les troupes ukrainiennes qui voudraient la contourner vers des endroits choisis."

« Il faut peut-être aussi supposer que cette “ ligne Wagner” s’inscrit dans une stratégie militaire russe plus large qui se prépare pour les mois à venir », conclut-elle.










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