samedi 26 novembre 2022

(FR) Général Pierre de Villiers : "L’armée française ne dispose pas des moyens pour s’engager dans une guerre à haute intensité"

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Le Général Pierre de Villiers, ancien chef d'état-major des armées.

L’ancien chef des armées publie Paroles d’honneur, un livre qui s’adresse à la jeunesse et se veut un message d’optimisme et de confiance en l’avenir. Le Général Pierre de Villiers a répondu aux questions de La Dépêche.

Les jeunes, c’est l’avenir de la France. Pendant 43 années, dans l’armée, j’ai vécu dans un univers de jeunes. Plus de 50 % des effectifs militaires ont moins de 30 ans. J’ai pensé qu’il serait intéressant dans un face-à-face, à travers 45 lettres, de leur donner un peu le fruit de mon expérience, de leur apprendre à aimer ou réaimer la France. La jeunesse attend qu’on l’aime, qu’on la guide avec fermeté et humanité.


Pourquoi pensez-vous qu’il faut avoir confiance en l’avenir de la France ?

Dans les qualités que j’ai toujours préconisées, il y a l’optimisme de volonté. Beaucoup de choses ne vont pas bien, dans notre pays mais aussi à l’extérieur. Il faut apprendre à nos jeunes qu’on peut réussir dans la vie avec de l’effort, de l’ordre, de la rigueur. Il faut aussi se tourner vers les autres plutôt que vers l’individualisme ambiant. Je pense que les jeunes attendent qu’on leur parle vrai.


Vous faites allusion dans votre livre aux nouvelles idéologies et vous critiquez le wokisme.

Je suis critique avec les idéologies qui imposent une forme de dictature des minorités par rapport à l’ensemble de la population. Les causes sont parfois justes mais quand elles s’imposent à la majorité de manière outrancière, ce n’est pas une bonne chose. Les jeunes attendent de l’idéal mais trop souvent on leur impose une idéologie.


Quelle Europe défendez-vous ?

Je vois le monde changer, des Etats puissance comme la Russie, la Turquie, la Chine, l’Iran, qui ont des stratégies de long terme. Je vois que l’Europe ne s’occupe pas de ces grands sujets, mais des petites préoccupations bureaucratiques avec une approche financière essentiellement articulée autour de l’Euro. Je le regrette d’autant plus qu’une tension monte dans notre monde. L’Europe contemple ce spectacle, elle est assez absente. Je suis au contraire pour une Europe des Nations qui respecte les Etats et fasse la promotion de coopérations interétatiques sur des projets concrets au service des citoyens.


Comment mettre un terme à la guerre en Ukraine ?

L’objectif, c’est bien d’arrêter cette guerre, c’est l’intérêt de la France et de l’Europe. Quand vous voyez la dureté de ce conflit avec 100.000 soldats de part et d’autre, morts ou blessés, c’est énorme sans parler des pertes civiles. Aujourd’hui, aucune des deux parties n’a intérêt à se mettre autour de la table des négociations. Nous devons poursuivre notre aide à l’Ukraine qui est attaquée. On ne peut pas admettre qu’un quelconque Etat se positionne au-dessus de toutes les règles et de tout le droit international. Je crains que ce conflit ne dure car on ne voit aucune sortie de crise possible. On est depuis le 24 février dans une escalade, c’est bien que ce qui m’inquiète. Un dictateur dans un tunnel ne recule jamais.


La France sera-t-elle prête à faire face à une guerre à haute intensité ?

Notre outil de défense était dimensionné pour la guerre à haute intensité jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. Depuis, nos démocraties européennes et singulièrement la France ont savouré les dividendes de la paix. Notre outil de défense a été démembré pour se concentrer dans un objectif de projection de forces à l’extérieur du territoire. Si nous devions nous engager dans un conflit à haute intensité aujourd’hui, l’armée française ne serait pas prête en équipements. Nous avons 220 chars Leclerc, un volume de frégates et sous-marins qui a été largement réduit depuis une vingtaine d’années, nous avons de l’ordre de 200 avions Rafale quand nous en avions 600 il y a 20 ans. Il faut reconstituer ses équipements, ses effectifs. Mais on ne forme pas un tireur ou un radariste, un spécialiste nucléaire en quelques mois. Cet outil qui a été sacrifié sur l’autel budgétaire ces trente dernières années, il faut le reconstituer le plus vite possible.


L’armée française s’est retirée du Mali. Est-ce un échec pour la France ?

C’est un échec politique dans le sens où nous n’avons pas réussi à gagner la confiance de la population. Mais c’est un succès militaire au sens où nous avons empêché le terrorisme de se développer. Nous avons gagné depuis vingt ans beaucoup de guerres mais nous avons perdu beaucoup de paix.


Depuis que vous n’êtes plus chef d’état-major, vous sentez-vous plus libre dans la parole ?

Je suis plus libre car je n’ai pas les responsabilités qui exigeaient une certaine réserve puisque j’incarnais l’armée française. Aujourd’hui, j’incarne ma propre personne. Je reste mesuré dans mes propos, considérant je resterai toujours ancien chef d’état-major des armées. Mais il est important de pouvoir dire les choses, avec équilibre et modération.


Avez-vous toujours des contacts avec le chef de l’Etat ?

Non, pas de relations. Je ne m’en formalise pas. Le président de la République aujourd’hui avec la situation à l’intérieur du territoire et le contexte international a bien d’autres chats à fouetter.


Avez-vous envie de vous engager en politique ?

Je suis déjà très engagé, je pourrais couler une retraite paisible dans ma maison en Vendée. J’ai écrit quatre livres en cinq ans, c’est beaucoup, je les écris moi-même ! Je travaille aussi avec les entreprises, avec les jeunes. Heureusement, on peut être engagé sans faire de politique. Si j’avais dû faire de la politique, je l’aurais fait déjà depuis longtemps.











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