mercredi 2 novembre 2022

(FR) Présidentielle au Brésil : Bolsonaro s’engage à « respecter la Constitution », une partie des blocages routiers levés.

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Luiz Inacio Lula da Silva célébrant sa victoire à la présidentielle du Brésil, à Sao Paulo le 30 octobre 2022. — Andre Penner/AP/SIPA


lemonde.fr - Le président d’extrême droite sortant Jair Bolsonaro ne s’était pas exprimé depuis la victoire sur le fil de Lula, dimanche. Dans la nuit de mardi à mercredi, la police a réussi à lever 490 blocages mis en place par ses partisans.



Le président brésilien, Jair Bolsonaro, fait une brève allocution mardi 1er novembre, deux jours après sa défaite à l’élection présidentielle. ADRIANO MACHADO / REUTERS


Au Brésil, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro est sorti, mardi 1er novembre 2022, du silence dans lequel il s’était muré depuis sa défaite, dimanche, face à Luiz Inacio Lula da Silva. Dans une courte déclaration, faite au palais présidentiel, à Brasilia, M. Bolsonaro n’a pas félicité son adversaire, ni évoqué clairement la victoire de ce dernier. Mais il s’est engagé à « respecter la Constitution », reconnaissant ainsi à demi-mot sa défaite. Son chef de cabinet, Ciro Nogueira, a ensuite précisé que M. Bolsonaro avait « autorisé la transition ».

Après avoir perdu d’extrême justesse face à Lula (50,9 %, contre 49,1 %), le chef de l’Etat en exercice – jusqu’à la passation des pouvoirs, le 1er janvier 2023 – s’est isolé dans sa résidence officielle d’Alvorada, à Brasilia. Il s’était rendu lundi matin au palais du Planalto, le siège de la présidence, sans faire la moindre déclaration. Ce lourd silence, dont Lula avait dit être « inquiet » dès dimanche soir, rappelait à beaucoup de Brésiliens que M. Bolsonaro a maintes fois menacé de ne pas reconnaître le verdict des urnes s’il perdait.

La Cour suprême, garante de la Constitution, a rapidement pris acte de ce discours dans un bref communiqué : « En ordonnant le début de la transition, [le président] a reconnu le résultat final de l’élection. » La haute cour, avec qui le chef de l’Etat entretient des relations orageuses depuis le début de son mandat, a également « souligné l’importance d’assurer la liberté de circulation par rapport aux barrages routiers ».

Jair Bolsonaro a tenu une réunion avec plusieurs magistrats de la Cour suprême, dont Alexandre de Moraes, qui dirige plusieurs enquêtes impliquant le leader d’extrême droite et ses alliés. M. Bolsonaro « a dit : “C’est fini” », en faisant référence à l’élection, a déclaré le magistrat Luiz Edson Fachin, à l’issue de cette réunion qui ne figurait pas à l’ordre du jour officiel.


Plus de 190 blocages routiers encore en cours

Dans son allocution de mardi, M. Bolsonaro a appelé à ce que les manifestations en son soutien soient « pacifiques » et demandé la fin des barrages routiers, qui « empêchent la liberté de circulation » dans quasiment tout le pays. Il a toutefois ajouté : « Ces mouvements populaires sont le fruit d’un sentiment d’indignation et d’injustice » de ses partisans après sa courte défaite.

Il n’était pas possible, mardi soir 1er novembre 2022, d’estimer l’impact des déclarations de Jair Bolsonaro sur la poursuite du mouvement de barrages routiers. Toutefois, de nombreux messages circulaient en soirée sur les réseaux sociaux appelant à des manifestations mercredi 2 novembre 2022, jour férié au Brésil.

Toute la journée, mardi, des partisans de M. Bolsonaro avaient bloqué des axes routiers dans au moins vingt-deux des vingt-sept Etats (22/27) du Brésil – lundi soir, seulement une douzaine d’Etats étaient concernés. Santa Catarina (dans le Sud), où M. Bolsonaro a remporté près de 70 % des voix, est l’Etat qui a connu mardi le plus important nombre de routes bloquées. Plusieurs routes de Sao Paulo étaient par ailleurs concernées, notamment celle qui relie la capitale économique brésilienne à Rio de Janeiro.

Dans plusieurs régions du pays, la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants. Elle a réussi à lever plus de 490 barrages au cours des dernières heures, mais 191 blocages partiels ou totaux persistaient, selon un bilan communiqué mardi soir vers minuit.



Les partisans de Jair Bolsonaro discutent avec la police militaire brésilienne pour le maintien du blocage de l’autoroute Castello Branco près de Sao Paulo, le 1er novembre 2022. TOMMASO PROTTI POUR « LE MONDE »


L’ambiance à Brasilia est restée calme. La sécurité avait été renforcée « de façon préventive » près de la place des Trois-Pouvoirs, qui rassemble le palais présidentiel, la Cour suprême et le Parlement, en prévision de la possible arrivée de manifestants pro-Bolsonaro. L’accès au principal aéroport du pays, Guarulhos, à Sao Paulo, bloqué dans la matinée, a été rétabli après l’intervention de la police. Le blocage de l’aéroport a entraîné l’annulation de plusieurs vols internationaux, selon le correspondant du Monde au Brésil, Bruno Meyerfeld.



31/10/2022Brésil : Lula élu président après une victoire serrée sur Bolsonaro

Luiz Inacio Lula da Silva, 77 ans, a obtenu 50,9 % des voix, contre 49,1 % pour Jair Bolsonaro. Lula signe son retour au pouvoir 12 ans après avoir quitté le palais présidentiel.

Le retour au pouvoir. Dimanche 30 octobre 2022, Luiz Inacio Lula da Silva, plus connu sous le nom de Lula, s'est imposé face au président sortant Jair Bolsonaro, selon les résultats du Tribunal supérieur électoral. Tout au long de la soirée, les résultats sont restés serrés. L'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a été élu dimanche à la tête du Brésil en battant de justesse le président d'extrême droite sortant, Jair Bolsonaro, à 50,84 % contre 49,16 %, selon les résultats officiels quasi définitifs. 

C'est l'écart le plus serré entre deux finalistes de la présidentielle depuis le retour à la démocratie après la dictature militaire (1964-1985). La marge est bien plus étroite que ce que prédisaient les sondages, qui avaient déjà sous-estimé le score de Jair Bolsonaro avant le premier tour.


Qui est Lula ?

Ancien ouvrier, l'homme de gauche débute comme syndicaliste avant d'être élu à la tête du pays pour la première fois en 2003. À 77 ans, après avoir enchaîné moments de gloire et revers de fortune en passant par la case prison, Lula, icône insubmersible de la gauche latino-américaine, a été élu dimanche président du Brésil, signant son retour au palais présidentiel de Brasilia.

Le come-back de Luiz Inacio Lula da Silva, qui a été au pouvoir lors de deux mandats (2003-2010) et voit sa 6e campagne présidentielle le mener de nouveau à la fonction suprême, est une première dans l'Histoire récente du Brésil. Mais Lula, qui a connu un destin hors norme, revient de loin.


En prison pour corruption

Condamné pour corruption dans le plus grand scandale de l'Histoire du Brésil, "Lavage express", une affaire de pots-de-vin mêlant l'entreprise Petrobras et plusieurs sociétés de BTP, il est incarcéré 580 jours, d'avril 2018 à novembre 2019.

Lula, le chef de file du Parti des Travailleurs (PT) s'est toujours dit victime d'un complot politique qui a permis à Bolsonaro d'être élu à la présidence en 2018 alors qu'il en était le grand favori.

En mars 2021, il peut de nouveau rêver à une revanche éclatante. La Cour suprême annule ou prescrit ses condamnations, ce qui lui permet de recouvrer ses droits politiques, sans l'innocenter pour autant.

Pour le Comité des droits de l'Homme de l'ONU, l'enquête et les poursuites engagées contre Lula avaient violé son droit à être jugé par un tribunal impartial.


Une popularité contrastée

Aujourd'hui, 12 ans après avoir quitté le pouvoir sur un taux stratosphérique d'opinions favorables (87%), l'inoxydable Lula veut rendre "le Brésil heureux de nouveau".

Ce tribun charismatique à la voix rauque a parcouru l'immense pays, équipé d'un gilet pare-balle, et a livré un duel acharné à son ennemi de toujours, Bolsonaro.

Mais il est aussi détesté par une partie des Brésiliens pour lesquels il incarne à tout jamais la corruption. Jair Bolsonaro, qui avait beaucoup joué sur la haine du Parti des Travailleurs (PT) pour être élu en 2018, n'a cessé de le traiter de "voleur" et d'ex-prisonnier" lors de leurs débats.


Ancien cireur de chaussures

Rien ne prédisposait Lula à un tel destin, ce cadet d'une fratrie de 8 enfants, né le 27 octobre 1945 dans une famille d'agriculteurs pauvres du nord-est du Brésil.

Enfant, Lula quitte l'école pour devenir cireur de chaussures. Il a 7 ans lorsque sa famille déménage à Sao Paulo pour échapper à la misère. Vendeur ambulant puis ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l'auriculaire gauche dans un accident du travail.

À 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes. Il est élu en 1975 président du puissant syndicat des ouvriers métallurgistes et conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985).

Il cofonde le Parti des Travailleurs (PT), un parti de gauche plurielle, au début des années 1980 avec un groupe de travailleurs, d'artistes et d'intellectuels, alors que le Brésil est dirigé par un régime militaire.

Il se présente pour la première fois à l'élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et en 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.


Épreuves personnelles

Le parcours du président-élu est aussi marqué par des épreuves personnelles. Alors qu'il n'est âgé que de 25 ans, il perd sa première épouse, Lourdes, victime d'une hépatite. Elle est alors enceinte de 8 mois. En octobre 2011, il souffre d'un cancer du larynx.

Puis, en février 2017, Lula perd son épouse de 30 ans Marisa Leticia Rocco, avec laquelle il a eu 4 enfants.

Mais Lula a retrouvé un nouvel amour, Rosangela da Silva, surnommée "Janja", une sociologue militante du PT, de 21 ans sa cadette, qu'il a épousée en mai 2022. "Je suis amoureux d'elle comme si j'avais 20 ans" a-t-il dit de celle qui a pris une part active à sa campagne.


Une victoire qui sonne comme une « résurrection »

Lula en a également profité pour évoquer le sujet brûlant de l’Amazonie, où la déforestation et les incendies ont fortement augmenté sous le mandat de Jair Bolsonaro. « Le Brésil est prêt à jouer à nouveau les premiers rôles dans la lutte contre le changement climatique. Le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie ».

Lula a surtout effectué dimanche un come-back historique. « On m’avait enterré vivant ! », a lancé l’icône inoxydable de la gauche, qui a comparé sa victoire à une « résurrection ». Il faut dire qu’il avait atteint une popularité record (87 %) à l’issue de ses deux premiers mandats (2003-2010), mais avait ensuite connu la disgrâce, passant par la case prison durant 580 jours, après des condamnations pour corruption finalement annulées pour vice de forme. Après cette courte victoire, il va devoir composer avec un Parlement qui penche clairement à droite et devra nouer des alliances pour gouverner.


Un défi de taille attend désormais Lula qui va devoir réunir et pacifier un Brésil polarisé et malmené par quatre années de gestion à coups de crises de son prédécesseur.







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