jeudi 26 mai 2022

(FR) Kaja Kallas: « On ne doit pas laisser de porte de sortie à Vladimir Poutine »

 

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Le Premier ministre estonien Kaja Kallas. Photo prise le 22 avril 2022. REUTERS - INTS KALNINS.

Le Premier ministre estonien Kaja Kallas a déclaré au journal Le Figaro le 18 mai 2022 que le dialogue avec le président russe Vladimir Poutine est vain et que la solution à la guerre en Ukraine ne peut être que « militaire ».


Le Figaro : Après l’unité du début de la guerre, l’Union européenne paraît à nouveau divisée entre Est et Ouest sur l’attitude à avoir vis-à-vis de la Russie et sur la nature de l’aide à apporter à l’Ukraine…

Kaja Kallas : Bien qu'il existe de nombreux points de vue différents, je pense qu'il convient de souligner la solidarité que nous avons créée. Quand nous sommes divisés, nous sommes faibles et nous servons les intérêts de la Russie..

Il est également normal que les grandes démocraties comme l'Allemagne et la France mettent plus de temps à prendre une décision que les petits pays comme ceux de la région baltique. Je sais que votre pays a besoin de temps pour parvenir à un consensus, et je salue l'importante décision de l'Allemagne d'augmenter son budget de défense à plus de 2 % du PIB... Le problème, c'est que l'Ukraine n'a pas le temps.


Le Figaro :  Selon vous, le président Emmanuel Macron doit-il continuer à parler à Vladimir Poutine ?



Kaja Kallas :  Les appels téléphoniques ont été infructueux. A Bucha, nous avons détecté des signes évidents de génocide. Pour moi, Vladimir Poutine est un criminel de guerre et je ne vois aucune raison de lui parler. On dit qu'il faut prouver à Poutine qu'il est isolé, mais s'il continue à parler, Poutine ne se sentira pas seul et pensera qu'il est au centre du monde.


Le Figaro :  Pensez-vous que l'Union européenne devrait accorder plus d'attention aux opinions des pays de l'Est en matière de politique étrangère ?

Kaja Kallas : Je pense que nous ne devrions plus parler d'Est et d'Ouest, tout le monde doit s'asseoir à la table avec des droits égaux. Nous avons tous ces droits. Je regrette qu'aucun des nouveaux Etats membres ne soit représenté au plus haut niveau... Mais depuis le 24 février 2022, je me sens plus écouté. C'est une bonne chose, car notre expérience avec la Russie après 50 ans d'occupation nous permet de comprendre mieux que quiconque le fonctionnement des Russes.


Le Figaro :  Si la Russie ne s'arrête pas, quel pays sera la prochaine cible dans la région ? Estonie, Pologne ou Transnistrie ?



Kaja Kallas :  Il n'y aura pas d'objectifs à venir. Nous n'avons d'autre choix que de mettre fin à la guerre et de punir l'agresseur et tous les responsables de crimes de guerre. Si nous acceptons un retour à la normale, la guerre reviendra après une pause d'un ou deux ans.

Nous ne devrions pas laisser de porte de sortie à Vladimir Poutine, car pour lui, c'est comme envoyer le signal qu'il peut à nouveau commettre un crime. La seule solution possible est militaire. L'Ukraine doit gagner cette guerre ! Comme le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba a dit récemment :

« Si la Russie cesse de se battre, il y aura la paix.
Mais si l'Ukraine cesse de se battre, il n'y aura plus d'Ukraine. »


Le Figaro :  L'Europe a-t-elle bien réagi ?



Kaja Kallas :  L'Union européenne a réagi rapidement, de manière cohérente. Mais plus la guerre s'éternisait, plus il était difficile de maintenir cette unité. L'Europe n'est pas seulement un espace géographique, mais aussi des valeurs. C'est pour les valeurs européennes - liberté, démocratie, souveraineté - que les Ukrainiens se battent. L'Europe doit montrer qu'elle défend aussi ses valeurs.


Le Figaro :  Assiste- t-on au retour de la guerre froide ? Avec un nouveau rideau de fer séparant le monde libre du monde autoritaire ?



Kaja Kallas :  Cette division n'a pratiquement jamais disparu. Pendant la crise du Covid, on a d'abord cru que les gouvernements autoritaires avaient plus de succès que les démocraties, car ils imposaient facilement des mesures autoritaires à la population. Je parle d'expérience personnelle, ayant vécu en Union soviétique, où l'idéologie étouffe tous les droits, de la liberté individuelle à la propriété privée.

Mais maintenant on se rend compte qu'au final, les démocraties ont mieux géré la crise du Covid que les pays autoritaires, bien que réagissant parfois plus lentement car il faut du temps pour parvenir à un consensus.

La guerre entre la tyrannie et la liberté persiste depuis la guerre froide et est maintenant plus prononcée. Parfois, j'ai l'impression que la guerre en Ukraine est un résumé de notre histoire.

Lorsque certaines personnes insistent pour que la paix soit l'objectif, cela me rappelle l'occupation soviétique de l'après-guerre froide. Oui, nous avons la paix. Mais c'est une paix accompagnée de meurtres, de violences et de répressions. Ma famille a été exilée en Sibérie. Je n'ai aucun doute sur ce qui se passera en Ukraine, si nous insistons sur la paix à tout prix.


Source :

RFI - https://www.rfi.fr/vi/qu%E1%BB%91c-t%E1%BA%BF/20220518-n%E1%BB%AF-th%E1%BB%A7-t%C6%B0%E1%BB%9Bng-estonia-kh%C3%B4ng-n%C3%AAn-%C4%91%E1%BB%81-ra-m%E1%BB%99t-l%E1%BB%91i-tho%C3%A1t-cho-vladimir-putin




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