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Après plus de trois ans de travaux, le gazoduc Nord Stream 2 a été mis en pré-service en octobre 2021. Une nouvelle étape avant le début des livraisons de gaz russe vers l’ouest du continent. Entre sanctions américaines et divisions européennes, pourquoi ce projet est-il si controversé ?
Le Nord Stream (anciens noms : North Transgas et North European Gas Pipeline : NEGP) est un gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique issu d’un projet lancé en 1997.
Les travaux du gazoduc Nord Stream 1 ont démarré fin 2005 pour se terminer en 2011 avec une mise en service effective en 2012.
Les travaux du gazoduc Nord Stream 2 destiné à doubler la capacité de transport de gaz ont commencé en avril 2018. Ils ont ensuite été interrompus en décembre 2019 du fait de l’opposition et des sanctions des États-Unis mais se sont terminés en septembre 2021.
Projet Nord Stream 2
Nord Stream 2 représente 1.230 kilomètres de tuyaux sous la mer Baltique. Ceux-ci relient le village de Bolchoï Kouziomkino, dans la région de Saint-Pétersbourg en Russie, à Lumbin, une ville côtière au nord de l’Allemagne. L’objectif du projet est de compléter les services de son grand frère, le gazoduc Nord Stream 1, déjà en service depuis 2012 et qui suit plus ou moins le même tracé.
Le nouveau pipeline double ainsi les capacités de transport de gaz depuis la Russie via la mer Baltique, ce qui permettrait d’atteindre pour ce réseau un approvisionnement de 110 milliards de mètres cube par an vers l’Allemagne. A titre de comparaison, l’UE a importé plus de 440 milliards de mètres cube de gaz naturel en 2019 (contre 385 milliards en 2010), dont 166 milliards provenaient de l’ensemble des gazoducs russes.
Exploité par le mastodonte énergétique russe Gazprom, Nord Stream 2 est le fruit d’un partenariat avec cinq entreprises européennes dont une française : OMV, Engie, Wintershall Dea, Uniper et Shell. Basée en Suisse et détenue par Gazprom, la société Nord Stream 2 AG a été créée pour mener à bien le projet, de sa planification à son exploitation en passant par la construction. Plus de 9 milliards d’euros auront été nécessaires pour mettre au point Nord Stream 2.
La compagnie Gazprom a annoncé le 10 septembre 2021 que le gazoduc était achevé. Début octobre, la première ligne a commencé à être remplie de gaz. La société Nord Stream 2 AG doit cependant être certifiée comme “opérateur indépendant” par le régulateur allemand afin de livrer à l’ouest, un processus qui ne devrait pas pleinement aboutir avant le printemps 2022. Avant cela, elle pourrait toutefois être autorisée à utiliser le gazoduc à 50 % de ses capacités.
La dépendance énergétique de l'union européenne vis-à-vis de la Russie
Plusieurs des détracteurs de Nord Stream 2 ont pointé du doigt le risque d’accroître la dépendance énergétique de l'union européenne vis-à-vis du Kremlin. La Russie représentait en effet déjà plus de 40% des importations de gaz naturel de l’UE en 2019. Dans le contexte d’une hausse des prix de l’énergie à l’automne 2021, Moscou est d’ailleurs accusé de ne pas livrer assez de gaz sur le Vieux Continent, profitant de la situation pour obtenir une mise en service rapide de Nord Stream 2.
Le gazoduc sous-marin, qui lève un certain nombre de droits de passage, est aussi un moyen pour Gazprom de réduire ses coûts de transport de l’énergie vers l’ouest. En contournant l’Ukraine par la Baltique, il la prive ainsi de ressources financières importantes (estimées à 1,5 milliard d’euros par an) liées au transit du gaz russe sur son territoire.
La mise en service de ce nouveau gazoduc pose enfin des questions relatives à la transition énergétique sur le Vieux Continent. Alors que l’UE a un objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, la mise en place d’une telle infrastructure gazière, censée être utilisée plusieurs décennies, pourrait accroître la dépendance au gaz dans le mix énergétique européen. Emetteur de gaz à effet de serre, cet hydrocarbure est pourtant un élément stratégique de la politique énergétique de l’Allemagne. Si le pays a fortement développé la production d’énergies renouvelables, il repose en grande partie sur le charbon et, dans une moindre mesure, sur le gaz pour produire son électricité.
Le rôle géopolitique de l’Allemagne dans le domaine de l’énergie
Au-delà de sa propre consommation d’énergie, atteindre les 110 milliards de mètres cube d’importations par an devrait renforcer le rôle géopolitique de l’Allemagne dans le domaine de l’énergie. Le pays deviendrait ainsi un hub (centre), à son tour capable d’exporter vers ses voisins le surplus de gaz lui-même importé de Russie. Selon Berlin, Nord Stream 2 sécurise par ailleurs l’approvisionnement européen en énergie, car le gazoduc permettrait de s’affranchir des risques politiques et techniques dans les pays de transit, Ukraine et Pologne en tête.
La ex chancelière Angela Merkel a toujours défendu la mise en service de Nord Stream 2. Ministre des Finances sous le dernier gouvernement, le nouveau chancelier Olaf Scholz (SPD) a également soutenu le projet. L’ancien dirigeant social-démocrate Gerhard Schröder est par ailleurs le chef du comité des actionnaires du consortium pour la construction et l’exploitation du gazoduc.
Les opposants au projet Nord Stream 2
Malgré la fin des travaux au terme de l’été 2021, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a fait savoir que l’Ukraine allait se battre contre ce projet politique russe jusqu’à son achèvement et après celui-ci et même après le commencement des livraisons de gaz. La position ukrainienne est ferme depuis la conception de Nord Stream 2, d’autant plus que Kiev et Moscou se livrent une guerre depuis 2014 dans le Donbass, à l’ouest du pays, où la Russie soutient les séparatistes.
Les Etats-Unis ont pour leur part pris des sanctions contre les entreprises impliquées dans les travaux lorsque Donald Trump était au pouvoir. Avec Nord Stream 2, la Russie acquiert en effet un avantage compétitif dans la concurrence avec le gaz naturel liquéfié (GNL) américain. Une loi sanctionnant différentes compagnies a interrompu les travaux en décembre 2019, alors qu’ils avaient commencé en avril 2018.
L’administration de Joe Biden a toutefois surpris en annonçant en mai 2021 que les Etats-Unis renonçaient à de nouvelles sanctions, facilitant la poursuite du chantier. Berlin et Washington ont ensuite trouvé un accord fin juillet. En échange d’une levée partielle des sanctions américaines réclamée par l’Allemagne, le gouvernement allemand s’est engagé à créer un fonds pour soutenir la transition énergétique en Ukraine et surtout faire en sorte que le gaz continue de passer par le territoire ukrainien après 2024, échéance fixée actuellement dans un accord de transit.
Nord Stream outil pour dissuader la Russie d'attaquer l'Ukraine
Marcel Fratzscher, président de l'Institut de recherche économique allemand (DIW), déclare en décembre 2021 qu'alors que la Russie menace militairement l'Ukraine, « mon intuition pour le moment est que cet oléoduc ne décollera pas, qu'il sera bloqué définitivement ».
Le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan déclare le 7 décembre 2021 que les États-Unis sont prêts à utiliser le gazoduc Nord Stream comme levier pour dissuader Moscou d'attaquer l'Ukraine : « Si Vladimir Poutine veut que le futur Nord Stream 2 transporte du gaz, il ne prendra peut-être pas le risque d'envahir l'Ukraine », une ligne réaffirmée le même jour par Joe Biden lors de son entretien par visioconférence avec le chef du Kremlin.
Le nouveau chancelier Olaf Scholz déclare le lendemain : « Nous voulons que l'inviolabilité des frontières soit respectée par tous, chacun comprend que cela aurait des conséquences si tel ne devait pas être le cas ».
Annalena Baerbock a plusieurs fois marqué sans ambiguïté son opposition à Nord Stream 2 et le vice-chancelier et nouveau ministre de l'Économie et de l'Écologie, Robert Habeck, a souligné le 7 décembre 2021 que Nord Stream 2 n'avait pour l'instant reçu aucune autorisation.
Sites utiles
Nord Stream - Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nord_Stream
Énergie en Allemagne - Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_en_Allemagne
Tensions Ukraine-Russie: pourquoi Vladimir Poutine met-il la pression ?
https://information.tv5monde.com/info/tensions-ukraine-russie-pourquoi-vladimir-poutine-met-il-la-pression-435525
L’Europe de l’Est, terrain des luttes d’influence énergétiques entre la Russie et les Etats-Unis (Partie 2/3)
https://portail-ie.fr/analysis/2435/leurope-de-lest-terrain-des-luttes-dinfluence-energetiques-entre-la-russie-et-les-etats-unis-partie-23
L'Allemagne remet l'avenir du gazoduc Nord Stream 2 entre les mains de l'UE
https://www.lesechos.fr/monde/europe/ukraine-lallemagne-menace-de-bloquer-le-gazoduc-nord-stream-2-1371974
A l’autre bout du gazoduc Nord Stream 2 en Allemagne, un regard différent sur la Russie
https://www.franceculture.fr/emissions/reportage-de-la-redaction/le-reportage-de-la-redaction-emission-du-mercredi-21-avril-2021
Nord Stream 2 : brouille diplomatique et partie d'échecs entre la Russie, l'Allemagne, les États-Unis et la France
https://www.marianne.net/monde/europe/nord-stream-2-brouille-diplomatique-et-partie-dechecs-entre-la-russie-lallemagne-les-etats-unis-et-la-france
NORD STREAM 2: POUR BERLIN, PAS DE GAZ EN CAS « D’ESCALADE » EN UKRAINE
https://www.bfmtv.com/economie/international/nord-stream-2-pour-berlin-pas-de-gaz-en-cas-d-escalade-en-ukraine_AD-202112130038.html
La dépendance énergétique dans l'Union européenne
https://www.touteleurope.eu/environnement/la-dependance-energetique-europeenne/
La situation énergétique de l’Allemagne analysée par l’AIE
https://www.connaissancedesenergies.org/la-situation-energetique-de-lallemagne-analysee-par-laie-210412
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