mercredi 20 décembre 2023

(FR) L'Union européenne trouve un accord sur une vaste réforme de la politique migratoire

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Un navire transportant des migrants s'approchant de l'île sicilienne de Lampedusa, en Italie, le 16 septembre 2023. (Image d'illustration) REUTERS - YARA NARDI

Après des années de discussion et une nuit entière d'ultimes tractations, les eurodéputés et représentants des États membres ont trouvé ce mercredi 20 décembre 2023 un accord sur l'épineuse réforme du système migratoire européen.

Le Parlement européen et les Etats membres sont parvenus, mercredi 20 décembre 2023, à un accord de principe sur la réforme de la politique migratoire européenne. Plus de trois ans après la présentation de ce projet par la Commission, il a fallu d'intenses tractations pour parvenir à ce compromis sur le "Pacte sur la migration et l'asile", dont les détails devront encore être finalisés.

Cette réforme doit encore être formellement entérinée par le Conseil européen, qui regroupe les dirigeants des 27 Etats membres, et le Parlement. L'objectif est une adoption finale de l'ensemble des textes avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l'immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays, sur fond de montée de l'extrême droite. 

Voici les principaux points du compromis trouvé sur ce "Pacte sur la migration et l'asile", dont les détails devront encore être finalisés.

Il prévoit notamment un contrôle renforcé des arrivées de migrants dans l'UE, des centres près des frontières pour renvoyer plus rapidement ceux n'ayant pas droit à l'asile dans l'UE, et un mécanisme de solidarité obligatoire entre pays membres, au profit des États sous pression migratoire.


Des contrôles renforcés

Un filtrage obligatoire préalable à l'entrée d'un migrant dans l'UE est mis en place, à proximité des frontières extérieures. Ces contrôles d'identification et de sécurité peuvent durer jusqu'à sept jours. A l'issue de ce délai maximum, la personne est orientée vers une procédure d'asile - classique ou accélérée - ou renvoyée dans son pays d'origine ou de transit.

Les pays d'arrivée sont chargés d'entrer les empreintes digitales, images faciales et documents d'identité des demandeurs d'asile et migrants dans la base de données Eurodac, dont le champ a été élargi et qui s'applique désormais aux enfants dès l'âge de 6 ans.


Une "procédure à la frontière"

Les demandeurs d'asile qui ont statistiquement le moins de chances d'obtenir une protection internationale - les ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l'UE, est inférieur à 20% comme le Maroc, la Tunisie, le Bangladesh - seront orientés vers une "procédure à la frontière".

Ces demandeurs d'asile devront rester dans des centres dédiés le temps de cette procédure.

Les États membres prévoient qu'au niveau de l'UE, quelque 30.000 places soient créées dans ces centres dédiés, afin d'accueillir à terme jusqu'à 120.000 migrants par an.

Les mineurs non accompagnés "posant un risque à la sécurité", indique le texte sans plus de précisions, et les familles avec enfants de moins de douze ans seront eux aussi concernés par cette procédure.


Solidarité obligatoire

Le nouveau système, qui remplace le règlement Dublin III, maintient le principe général en vigueur selon lequel le premier pays d'entrée dans l'UE d'un demandeur d'asile est chargé de l'examen de son dossier.

Un nouveau critère est toutefois ajouté, selon lequel le pays européen de délivrance d'un diplôme est responsable du traitement de la demande d'asile de son titulaire.

Alors que la règle du premier pays d'entrée fait peser un poids plus important sur ceux du Sud de l'Europe, un mécanisme de solidarité obligatoire est introduit pour soulager les États membres confrontés à une pression migratoire.

Les autres pays de l'UE doivent alors contribuer en accueillant des demandeurs d'asile ("relocalisations") ou par une aide financière, ou en moyens humains ou matériels.

Le Conseil prévoit au moins 30.000 relocalisations par an de demandeurs d'asile (depuis des pays sous pression migratoire vers d'autres pays de l'UE). La compensation financière prévue est de 20.000 euros pour chaque demandeur d'asile non relocalisé.


Situations de crise

L'un des textes de la réforme prévoit une réponse en cas d'afflux massif et exceptionnel de migrants dans un État de l'UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016.

Il prévoit le déclenchement rapide d'un mécanisme de solidarité en faveur de l'État concerné, et la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles.

Il prolonge la durée possible de détention d'un migrant aux frontières extérieures de l'UE et permet des procédures d'examen des demandes d'asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d'exilés, afin de pouvoir les renvoyer plus facilement.

Il s'applique aussi aux situations d'instrumentalisation, c'est-à-dire les cas où un État tiers utilise la migration pour déstabiliser un pays de l'UE.


La notion controversée de "pays tiers sûr"

Un État membre peut prendre en compte la notion de "pays tiers sûr" pour y renvoyer un demandeur d'asile. C'est-à-dire qu'il peut juger un dossier irrecevable parce que le demandeur est passé par un pays tiers considéré comme "sûr", où il aurait pu déposer une demande de protection. Il faut cependant qu'il y ait un "lien" suffisant entre la personne concernée et ce pays tiers.


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(FR) Projet de loi immigration 2023

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Quotas migratoires, durcissement du regroupement familial, de l'accès à la nationalité française et à certaines allocations, régularisation exceptionnelle des travailleurs sans papiers dans certains métiers, délit de séjour irrégulier rétabli, éloignement facilité en cas d'infractions graves… Que contient le projet de loi sur l'immigration ?

Le 19 décembre 2023, le Parlement a définitivement voté le projet de loi immigration, après accord trouvé entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire le même jour.

Le projet de loi du gouvernement comporte plusieurs volets : travail, intégration, éloignement mais aussi asile et contentieux des étrangers.


Travail facilité pour certains métiers

Face à la pénurie de main-d'œuvre rencontrée par certains secteurs (bâtiment, aide à domicile…), l'article 3 du projet de loi crée une carte de séjour "travail dans des métiers en tension" d'une durée d'un an. Les travailleurs en séjour irrégulier pourront demander leur régularisation dans ce cadre. Cette nouvelle carte sera délivrée automatiquement, sous certaines conditions (ancienneté de séjour d'au moins trois ans en France, expérience de huit mois pendant les derniers 24 mois dans un métier ou une zone géographique en tension). Elle sera expérimentée jusqu'à fin 2026, avant son éventuelle pérennisation. Les employeurs n'auront pas de démarches à faire, la carte valant autorisation de travail. À l'heure actuelle, les travailleurs sans papiers employés dans les secteurs en tension peuvent obtenir une carte "salarié" ou "salarié temporaire" mais il s'agit de régularisations exceptionnelles à l'initiative des employeurs.

Pour répondre aux besoins de recrutement dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux, une nouvelle carte de séjour pluriannuelle "talent - professions médicales et de la pharmacie" est instituée au profit de praticiens diplômés hors Union européenne - PADHUE (médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens).

Les demandeurs d'asile originaires des pays les plus à risques (demandeurs bénéficiant d’un fort taux de protection en France) pourront travailler immédiatement (contre six mois en principe). Une liste de ces pays sera établie tous les ans. 

Pour lutter contre le travail illégal, une nouvelle amende administrative de 4 000 euros maximum par salarié concerné (doublée en cas de récidive) sanctionnera les employeurs qui abusent de travailleurs en situation irrégulière. Cette amende s'ajoutera aux sanctions pénales et administratives déjà existantes.


Intégration et titres de séjour 

Les étrangers qui demandent une première carte de séjour pluriannuelle devront avoir une connaissance minimale de la langue française (la liste des compétences requises sera fixée par décret). Aujourd'hui, les cartes de séjour, en général valables quatre ans, sont délivrées à la seule condition d'avoir suivi un apprentissage du français dans le cadre du contrat d'intégration républicain, mais sans obligation de résultat. Un niveau minimal de français est déjà exigé pour l'octroi d'une carte de résident (dix ans) et pour l'accès à la nationalité française.

Les obligations des employeurs en matière de formation au français langue étrangère (FLE) de leurs salariés étrangers sont renforcées. 

Par ailleurs, tous les étrangers qui demandent une carte de séjour devront s'engager à respecter les principes de la République : liberté d’expression et de conscience, égalité femmes-hommes, devise et symboles de la République… Aujourd'hui, pour certains titres, cette condition n'est pas prévue. En cas de rejet d'un de ces principes, les préfectures pourront refuser, retirer ou ne pas renouveler le titre de séjour.

La menace grave pour l'ordre public devient un motif de non-renouvellement ou de retrait de la carte de résident. De plus, un séjour effectif de six mois par an en France sera imposé pour le renouvellement de certains titres longs.


Possibilités d'éloignement renforcées

Le projet de loi entend faciliter l'éloignement des étrangers qui représentent une menace grave pour l'ordre public. Il permettra l’expulsion des étrangers réguliers, même présents depuis longtemps en France ou y ayant des liens personnels et familiaux, condamnés notamment pour des crimes ou délits passibles d'au moins dix ans de prison ou cinq ans en cas de récidive (meurtre, viol…). Parallèlement, le juge pourra plus largement prononcer une interdiction du territoire français (ITF). Le texte autorisera aussi le prononcé d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) contre des étrangers en situation irrégulière menaçant gravement l’ordre public, y compris lorsqu’ils ont des liens personnels et familiaux en France (étranger arrivé en France avant ses 13 ans, conjoint de Français…). 

L'interdiction de placer en centre de rétention administrative (CRA) des mineurs étrangers de moins de 16 ans, y compris lorsqu'ils accompagnent des adultes, est posée. Cette mesure traduit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). En revanche, les conditions de rétention des mineurs de 16 à 18 ans n'évoluent pas. 

D'autres mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière complètent le texte : répression accrue contre les passeurs et les "marchands de sommeil", possibilité de relever les empreintes digitales des étrangers en situation irrégulière sans leur consentement, contrôle visuel possible des voitures de particuliers en "zone-frontière" (et non plus seulement des véhicules de plus de neuf places)…


Asile et contentieux des étrangers

Le projet de loi crée des "espaces France Asile" en remplacement des guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA), qui permettront en un même lieu l'enregistrement du demandeur d'asile par la préfecture, l'ouverture de droits par l'Office français pour l'immigration et l'intégration (OFII) et l'introduction de la demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le gouvernement prévoit de déployer progressivement ce dispositif.

L’organisation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est aussi réformée, avec la création de chambres territoriales de la CNDA et la généralisation du juge unique. La formation collégiale ne sera saisie que pour les affaires complexes.

Enfin, le contentieux des étrangers (qui représente 40% de l'activité des juridictions administratives) est simplifié. Le nombre de procédures contentieuses types est réduit de 12 à 4. Cette simplification s'inspire d'un rapport du Conseil d'État sur le sujet du 5 mars 2020


L'examen du texte au Parlement

Les sénateurs ont, en première lecture, largement modifié le projet de loi. En matière de séjour, d'accès aux soins et de prestations sociales, ils ont notamment : 

- instauré des quotas migratoires (les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration devront faire l’objet d’un débat annuel au Parlement, lequel devra voter, pour trois ans, le nombre des étrangers, par catégorie, admis à s’installer en France, hors asile) ;

- durci les conditions du regroupement familial (durée de séjour en France pour demander le regroupement familial rallongée de 18 à 24 mois…) ; 

- restreint l’accès à une carte de séjour et de résident pour les conjoints de Français et parents d'enfants français ;  

- créé une caution "retour" pour l'obtention d'un premier titre de séjour étudiant ; 

- durci les conditions d'accès au séjour des étrangers malades et transformé l’aide médicale d’État (AME) destinée aux sans-papiers en une aide médicale d’urgence (AMU) plus restrictive ;  

- rétabli le délit de séjour irrégulier, qui sera passible de 3.750 euros d’amende ;

- conditionné l'accès à certaines prestations sociales (allocations familiales, aide personnalisée au logement…) à cinq ans de séjour régulier en France ;

- prévu de protéger les étrangers victimes de "marchands de sommeil" ayant déposé plainte (octroi d'un carte de séjour pendant la procédure).

Les dispositions sur l'intégration ont aussi été renforcées (création d’un contrat d’engagement au respect des principes de la République) et les conditions d'accès à la nationalité française restreintes (conjoint de Français, fin de l’acquisition automatique de la nationalité à leur majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers, délai de résidence de dix ans en France pour une naturalisation contre cinq aujourd'hui, déchéance de nationalité pour les binationaux coupables d'homicide sur les forces de l’ordre…). 

En matière de travail, le Sénat a supprimé les articles 3 et 4 du projet de loi sur la régularisation des travailleurs sans papiers et l'accès immédiat au travail de certains demandeurs d'asile. Il a inséré à la place un nouvel article 4 bis qui prévoit d'expérimenter jusque fin 2026 une admission exceptionnelle au séjour des travailleurs sans papiers exerçant dans des métiers en tension à leur demande, sous réserve notamment d'avoir travaillé 12 mois (consécutifs ou non) au cours des 24 derniers mois, de résider depuis trois ans en France et de leur intégration. Les préfets disposeront, comme aujourd'hui,  d'un pouvoir discrétionnaire pour leur accorder une carte de séjour "salarié" ou "travailleur temporaire". 

Les dispositions sur l’éloignement ont été modifiées pour autoriser plus largement l’expulsion et les OQTF de certaines catégories d’étrangers (par exemple levée des protections contre l’expulsion en condamnation pour des faits passibles de 3 ou 5 ans de prison ou de violences à l’encontre d’élus ou d’agents publics).  Pour faciliter l’exécution des mesures d’éloignement, le texte tel que voté au Sénat permet de conditionner la délivrance de visas et l’aide publique au développement à la bonne délivrance des laissez-passer consulaires par les États étrangers. Il prévoit, en outre, la radiation, auprès des caisses de sécurité sociale et de Pôle emploi, des étrangers faisant l'objet d’un refus de séjour, d’un retrait de titre de séjour ou d’une expulsion. Un fichier des mineurs étrangers isolés délinquants est créé. 

Concernant le volet "asile", le Sénat a souhaité encadrer, par le biais d’une expérimentation dans au moins dix départements, la création des "espaces France Asile". D’autres amendements concernent les déboutés du droit d’asile : systématisation du prononcé d'une OQTF et interruption immédiate de la prise en charge de leurs soins au titre de la protection universelle maladie (PUMA), sortie des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA)…

Enfin, la réforme du contentieux des étrangers proposée par le gouvernement a été revue, afin de réduire les procédures de quatre à trois. Des amendements gouvernementaux ont été votés notamment pour conférer un caractère suspensif à l’appel du parquet contre une décision mettant fin à la rétention lorsque l’étranger placé l’est pour des motifs terroristes.

L'Assemblée nationale a rejeté en première lecture le projet de loi, la motion de rejet préalable déposée par le groupe écologiste ayant atteint la majorité absolue des 268 voix requises (270 pour l'adoption, 265 contre et 13 abstentions). 

La commission mixte paritaire (CMP) composée de 7 députés et de 7 sénateurs, a trouvé un accord sur un texte final, à partir du texte réécrit par le Sénat en novembre dernier. Ce texte de compromis est soumis au vote définitif des deux assemblées dans la soirée du 19 décembre 2023.


SOURCES

Projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration

Texte de la commission n°2008 - Projet de loi

Simplifier le contentieux des étrangers, dans l’intérêt de tous

Qu'est-ce qu'une motion de rejet préalable ?

Analyse du scrutin n° 3203

Qu'est-ce qu'une commission mixte paritaire ?

Nouveau projet de loi sur l’immigration 2023 en France












lundi 4 décembre 2023

(FR) Pourquoi un État palestinien est-il la meilleure solution de sécurité pour Israël ?

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Le vide du pouvoir à Gaza après la guerre actuelle déclenchera probablement un nouveau cycle de violence et de terrorisme.

Je viens de passer 5 jours au Moyen-Orient. Avec l’Ukraine, cette région est devenue l’une des plus instables au monde. Quelques instants de calme peuvent donner l’impression que les tensions s’apaisent, mais le conflit israélo-palestinien est toujours aussi répandu et persistera. Notre myopie politique, qui consiste à penser que ce conflit peut être résolu en parlant simplement d’une solution à deux États sans œuvrer pour « panser la blessure », doit cesser. Non seulement pour des raisons humanitaires, judiciaires ou éthiques, mais aussi parce que si nous ne résolvons pas le problème maintenant, cela pourrait conduire à une vague de migration vers l'Europe, en même temps exacerbe le risque de terrorisme et les tensions intercommunautaires..

Cette zone est à nouveau hantée par la douleur et la colère. Les Israéliens ont été profondément touchés par le massacre du 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1.200 morts et plus de 200 otages. De leur côté, les Palestiniens sont confrontés à une crise humanitaire à Gaza, à un nouveau massacre faisant plus de 13.000 victimes, pour la plupart des femmes et des enfants, ainsi qu'à des attaques des colons israéliens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est. Un cessez-le-feu temporaire et le retour d'un groupe d'otages sont entrés en vigueur vendredi 22 novembre 2023. J’espère que cela créera une dynamique positive conduisant à la libération de tous les otages et à la fin des hostilités.

La terreur créée par le Hamas et d’autres groupes extrémistes porte préjudice aux Palestiniens. Les dirigeants que j’ai rencontrés à Ramallah l’ont reconnu. Mais pour eux, le problème fondamental réside dans l’occupation israélienne. Ces dirigeants ont eu du mal à expliquer aux électeurs pourquoi leur liberté de mouvement est restreinte, alors que les colonies illégales fleurissent et que les colons peuvent les attaquer. Les dirigeants palestiniens sont également incapables d’assurer la sécurité en Cisjordanie occupée, tandis qu’Israël retient les impôts palestiniens qu’il a collectés au nom de l’Autorité nationale palestinienne.

Une douleur ne peut pas être utilisée pour en justifier une autre. Mais chaque camp ne regarde que sa propre tragédie, ce qui s’est passé hier ou ce qui se passe aujourd’hui. Il existe cependant un avenir que les deux parties ne peuvent pas encore imaginer. Les Israéliens estiment qu’ils doivent éliminer le Hamas pour assurer leur sécurité, tandis que les Palestiniens ont pour priorité de mettre fin au désastre humanitaire et aux provocations du groupe de colons à Gaza.

Malgré ces défis, nous devons toujours rester ouverts à la possibilité d’une paix. Mon récent voyage dans la région a renforcé ma conviction que la meilleure garantie de la sécurité d'Israël est la création d'un État palestinien. Et, à court terme, nous devrions éviter d’affaiblir l’Autorité nationale palestinienne.

Les vides ne peuvent pas durer longtemps, ni dans la nature, ni en politique. Si ni le Hamas ni Israël ne gèrent Gaza, ce qui n’est pas le cas, le vide du pouvoir sera rapidement comblé par des forces incontrôlées qui pourraient transformer Gaza en un territoire en faillite et ouvrir la voie à un autre cycle de violence et de terreur. Depuis Hobbes, nous savons qu’une société sans Léviathan – sans État – est vouée à la violence et au chaos.

Nous avons déjà vu des situations similaires se produire trop souvent auparavant. Nous avons assisté à un afflux de réfugiés fuyant le conflit syrien vers le Liban, la Jordanie et la Turquie. Ces pays ne peuvent pas accueillir une nouvelle vague de réfugiés palestiniens. Comme l’a dit l’un de mes interlocuteurs la semaine dernière, nous ne survivrons pas à une autre Nakba (Le terme arabe signifie « catastrophe » ou « désastre »). Et l’Europe et la communauté internationale n’accepteront pas et ne pourront pas accepter un déplacement massif et forcé de Palestiniens.

Pour éviter que Gaza ne tombe aux mains de groupes armés incontrôlés qui pourraient déstabiliser toute la région environnante, à commencer par Israël, le territoire doit être gouverné par un État qui représente son peuple. La propre sécurité d'Israël nécessite la création d'un État palestinien à Gaza et en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est.

Comment et quand atteindrons-nous cet objectif ?
La réponse dépend de nous tous. Une chose est claire : tous mes interlocuteurs dans le monde arabe acceptent l'existence d'Israël et veulent s'engager dans ce dialogue. Ils reconnaissent l'énorme opportunité que représente une zone de paix, la coopération transfrontalière et le rôle potentiel d'Israël en tant que moteur économique régional. Mais tous conviennent également que la coopération israélo-arabe dépend de la résolution du problème palestinien. Il n’y a tout simplement pas de raccourcis.

Pour avancer, nous devons œuvrer à une solution fondée sur la justice et l’égalité des droits pour les deux peuples. Cela signifie avant tout le besoin de sécurité dans toute la région et en Europe, confrontée aux conséquences immédiates de l’instabilité. En tant que voisins, nous devons unir nos forces avec nos partenaires de la région et du monde entier pour parvenir à une solution politique viable et durable dans l’intérêt des Israéliens, des Palestiniens et de la région. C’est également dans notre intérêt. L'UE, en collaboration avec plusieurs pays arabes, a lancé des efforts pour atteindre cet objectif à travers l'effort pour la Journée de la paix, présenté aux Nations Unies en septembre 2023, juste avant le début de la tempête « Effort pour la Journée de la paix ». Et nous sommes déterminés à continuer à œuvrer pour atteindre cet objectif.


Source : Josep Borrell, « Why a Palestinian state is the best security guarantee for Israel », Financial Times, 26 novembre 2023.

Josep Borrell est le commissaire européen chargé des affaires étrangères et de la politique de sécurité.









vendredi 1 décembre 2023

(FR) Vaseline : indications, bien l'utiliser, précautions d'emploi

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Réclame américaine pour le produit, 1922. « Conseillé […] Ne restez jamais sans une bouteille de celui-ci dans la maison. Il est sûr, toujours efficace et ne coûte qu'un peu. »  (Wikipédia).

La vaseline est un produit présent dans de nombreuses spécialités pharmaceutiques et cosmétiques. Très utile pour l’hydratation de la peau, ce produit gras est recommandé dans de nombreuses indications. les nombreux bienfaits mais aussi sur ses précautions d’emploi.

Elle ne vaut que quelques euros, mais fait souvent des miracles pour le corps. Qu’on l’utilise en soin médical ou en soin beauté, la vaseline est un produit multifonction, qui hydrate et cicatrise de manière efficace. Lotion, huile, gel, pommade, sérum, baume et stick à lèvres, elle existe sous différentes formes et s’adapte à tous types d’usages au quotidien.


Qu’est-ce que la vaseline par définition ?

Marque inventée par un chimiste Robert Chesebrough et déposée en 1872 aux Etats-Unis, la vaseline (qui vient de l’allemand Wasser (eau), du grec elaion (huile, graisse) et du suffixe français -ine, passé depuis dans le langage courant), est un mélange de paraffine (ou alcanes), un extrait naturel des résidus solides du pétrole ; de cire et d’huile, qui ressemble à une graisse. Cette pommade transparente a une texture dense et inodore.

Mélange d’hydrocarbures, fortement saturée en hydrogène, la vaseline est un produit stable qui ne s’oxyde pas et donc, ne périme jamais. Graisse "propre", peu adhésive, elle est destinée à la santé de toute la famille.


A quoi sert la vaseline ?

Également appelée "gelée de pétrole originale", ce produit gras d’origine minérale est pâteux à température ambiante, mais fluide / liquide lorsqu’il est chauffé à 70°C.

Couramment utilisé pour favoriser l’hydratation de la peau, il possède aussi des propriétés émollientes, mais aussi cicatrisantes et isolantes. La vaseline officinale est ainsi reconnue comme médicament et délivrée en pharmacie. On l’utilise aussi bien en application directe, pour adoucir, hydrater et lubrifier la peau, qu’en tant que principe actif dans de nombreux médicaments. Hypoallergénique, peu onéreuse, elle est plébiscitée dans de nombreuses applications pharmaceutiques et cosmétiques, notamment comme traitement d'appoint des lésions d'irritation, de brûlure et de sécheresse cutanée…

En dehors de son usage médical, on peut aussi y recourir pour l’entretien du matériel et des objets (graissage au niveau des appareillages électriques, petits mécanismes, armes, serrures, articulations ; aide à l’insertion de pièces ou de vis ; protection contre la corrosion, etc.).


Lotion, gel, crème, huile... Quels sont les différents types de vaseline ?

La vaseline existe sous différentes formes selon les applications. On peut la trouver sous forme de crème, d’onguent, de gazes, de lotion, de baume, de sérum, d'huile, de laxatif, de stick à lèvres… mais aussi colorée et parfumée.

Elle peut être par exemple associée à l’Aloe Vera ou au beurre de cacao. La qualité de la vaseline est également une indication à prendre en compte.


La vaseline est-elle un produit sain ?

Parce qu’elle est d’origine minérale, la vaseline est parfois décriée. En réalité, ce produit est entièrement traité et subit un sévère procédé de purification, avant d’être commercialisé. La réglementation européenne en la matière est d’ailleurs bien plus stricte et rigoureuse qu’en Asie, aux Etats-Unis ou au Moyen-Orient. Pour bénéficier d’un haut niveau de pureté, mieux vaut donc privilégier un produit français.


Quels sont ses bienfaits de ce soin ?

La vaseline n’est pas à proprement parler un hydratant. Il s’agit plutôt d’un produit qui empêche la déshydratation de la peau. Par son effet occlusif, elle limite ce que l’on appelle la perte insensible d’eau. En fait, elle empêche l’évaporation de l’eau. C’est par cette action qu’elle favorise la cicatrisation. Le côté émollient est dû au fait qu’elle est grasse et ramollit la couche cornée. Ce baume adoucissant, qui soulage et protège la peau, peut ainsi être appliqué dans de nombreuses situations.


La vaseline est-elle utile ?

En soin médical

- Sur la peau et notamment, le visage : pour lutter contre les problèmes de sécheresse cutanée, hydrater les peaux sèches, dures et craquelées, aider à cicatriser les brûlures et les plaies, réduire l’apparition des vergetures, protéger la peau contre les coupures mineures, pour aider à enlever une écharde, pour améliorer les cicatrices et les égratignures, pour ne pas teindre la peau en cas de coloration des cheveux, pour réduire les irritations et éruptions cutanées, l'eczéma atopique, le psoriasis et le prurit pour adoucir la sécheresse du coude, pour favoriser la cicatrisation d’un piercing… ;

- Sur le corps et les pieds : pour hydrater les pieds, réduire le durcissement des talons et la corne (appliquez la vaseline le soir après la douche et portez des chaussettes toute la nuit), pour soigner les ampoules ;

- En tant que laxatif lubrifiant et osmotique : l’huile de paraffine (sous forme de pâte orale) permet de ramollir les selles, faciliter leur progression dans l'intestin, et donc, aider à lutter contre la constipation.


En soin des lèvres

- Pour réparer les lèvres gercées ;

- En cas d’herpès labial, appelé couramment "bouton de fièvre", (l’application de vaseline sur la blessure protège celle-ci des bactéries et accélère la guérison).


En soin des cheveux et des sourcils

- Contre les poux : il est nécessaire de faire poser le produit, avant de rincer à l’eau claire (par exemple, lorsqu’il s’agit d’étouffer les lentes et les poux) ;

- Pour nourrir, fortifier et adoucir les cheveux, en particulier les cheveux secs ; empêcher l’apparition de pellicules sèches, faciliter le peignage des cheveux, réduire les pointes fourchues des cheveux et empêcher leur casse ;

- Pour aider les sourcils à repousser.


En produit de soin pour bébé

Pour réduire l’érythème fessier et les rougeurs (de nombreuses huiles pour bébé en contiennent).


Pour des soins beauté et maquillage

- Pour avoir de beaux ongles, éviter qu’ils ne cassent ;

- Pour nourrir, allonger les cils ; modeler la forme des sourcils ;

- Pour avoir de belles mains douces ;

- Pour obtenir des lèvres roses, lisses et douces ;

- Pour prévenir et réduire les cernes ;

- Pour réaliser des massages ;

- En tant que lotion éclaircissante, pour limiter les assombrissements de la peau (vaseline healthy white), favoriser un éclat naturel et sain.

D’autres usages sont possibles au quotidien : pour détacher de la colle restée sur les doigts ou faire glisser une bague, pour nettoyer du métal (étain, aluminium, argent, or, chrome, acier chromé), du marbre ou granit ; pour enlever des taches, pour entretenir du liège ou du similicuir, pour nettoyer et protéger le cuir (sac, blouson, chaussures, canapé…), enlever les traces de neige ou de pluie sur les chaussures, pour le bricolage (par exemple, insérer une vis plus facilement, réparer du bois endommagé)…


Comment bien utiliser la vaseline ?

Appliquez une noisette de produit et massez en faisant pénétrer. Pour les pieds ou les mains, portez des chaussettes ou des gants pour dormir, afin de bien assouplir la peau. La vaseline peut aussi être apposée sur un tulle gras et appliquée sur une brûlure, un saignement, une cicatrice… Enfin, dans certains cas, il est nécessaire de faire poser le produit, avant de rincer à l’eau claire (par exemple, lorsqu’il s’agit d’étouffer les lentes et les poux).


Quelles sont les précautions d’emploi ?

La vaseline est une pommade courante, qui entre dans la composition de nombreux produits, traitements et médicaments (par exemple : Glycérol Vaseline Paraffine ou Dexeryl®, Homéoplasmine®, excipient dans les lotions cosmétiques…), sans qu’on le sache toujours. Son utilisation est sécuritaire : peu d’effets indésirables ont été relevés et les avis des patients sont souvent bons.

- Vous pouvez utiliser la vaseline au niveau du contour de l’œil, mais le contact direct avec les yeux doit être évité ;

- Utilisez-la avec parcimonie si vous avez la peau grasse et souffrez d’acné, car elle est susceptible de boucher les pores de la peau ;

- Enfin, n’oubliez pas qu’il ne s’agit pas d’un filtre anti UV : n’oubliez pas d’appliquer une crème solaire en plus de la vaseline si vous vous exposez au soleil.


Par quoi peut-on remplacer la vaseline ?

Si vous n’avez pas de vaseline à la maison, vous pouvez recourir à des corps gras naturels comme l’huile de coco, le beurre de karité, la cire d’abeille ou le beurre de cacao. Ces produits peuvent être de bons substituts (avec des applications plus fréquentes), mais leur utilisation n’est pas aussi variée. Consultez bien la notice pour savoir comment les employer.

Vous l’aurez compris, la vaseline est un produit que l’on peut appliquer pour hydrater et cicatriser la peau, que ce soit au niveau du corps ou du visage. Brûlures, plaies, peau sèche, cicatrices, ses utilisations sont nombreuses et ses différentes formes (lotion, huile, gel, pommade, sérum, stick à lèvres…) existant aujourd’hui en facilitent l’application. Peu onéreuse, on la trouve en pharmacie, sans ordonnance, pour quelques euros.

A noter enfin pour les plus réticents : les fabricants de vaseline travaillent à l’élaboration de vaselines végétales, qui verront le jour bientôt. Celles-ci seront certainement un peu plus chères mais d’origine biosourcée.











jeudi 23 novembre 2023

(FR) Le monde ne sera plus le même après la guerre Israël-Hamas

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Les délégués des médias regardent le discours du président ukrainien Volodymyr Zelensky lors du sommet de la Ligue arabe à Djeddah, en Arabie Saoudite, le 19 mai 2023. FAYEZ NURELDINE/AFP VIA GETTY IMAGES

La dernière guerre au Moyen-Orient aura des conséquences géopolitiques considérables.

La dernière guerre à Gaza aura-t-elle de lourdes conséquences ? En principe, je pense que les évolutions géopolitiques défavorables sont généralement contrebalancées par diverses forces compensatoires, et que les événements survenant dans une petite partie du monde n’auront généralement pas d’effets d’entraînement importants dans d’autres endroits. Des crises et des guerres surviennent encore, mais le sang-froid prévaut souvent et limite ainsi les conséquences des guerres.

Toutefois, cela n’est pas toujours le cas, et la guerre actuelle à Gaza constitue peut-être une exception. Non, je ne pense pas que nous soyons au bord d’une Troisième Guerre mondiale. En fait, je serais surpris si les combats actuels conduisent à une aggravation du conflit dans la région. Je n’exclus pas complètement cette possibilité, mais jusqu’à présent, aucun tiers (Hezbollah, Iran, Russie, Turquie, etc.) ne semble disposé à s’engager directement dans le combat, et les responsables américains tentent toujours de contenir le conflit. Parce qu’un conflit régional plus vaste serait encore plus coûteux et dangereux, nous devrions tous espérer que ces efforts aboutiront. Mais même si la guerre se limite à Gaza et se termine bientôt, elle aura quand même des conséquences importantes dans le monde entier.

Pour comprendre quelles pourraient être les implications plus larges, il est important de rappeler la situation géopolitique générale juste avant que le Hamas ne lance son attaque surprise le 7 octobre 2023. (Vous pouvez voir une version résumée assez complète dans une récente conférence de John Mearsheimer). Avant l’attaque du Hamas, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN menaient une guerre par procuration contre la Russie en Ukraine. Leur objectif est d’aider l’Ukraine à regagner le territoire occupé par la Russie après février 2022 et d’affaiblir la Russie au point qu’elle ne puisse plus prendre d’actions similaires à l’avenir. Cependant, la situation ne va pas bien : la contre-offensive estivale de l'Ukraine est au point mort, l'équilibre des forces militaires se déplace progressivement vers Moscou et les espoirs que Kiev puisse regagner les territoires perdus par la force ou par la négociation s'estompent.

Les États-Unis mènent également une guerre économique contre la Chine, visant à empêcher Pékin de dominer des secteurs importants tels que la fabrication de semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et d’autres secteurs technologiques de haut niveau. Washington considère la Chine comme son principal rival à long terme, ce qui constitue, selon le Pentagone, une « menace de premier plan » (pacing threat). L’administration Biden entend également accorder davantage d’attention au défi chinois. Les responsables de l’administration qualifient les restrictions économiques de très centralisées (« petites cours et hautes clôtures ») et soulignent qu’ils souhaitent toujours d’autres formes de coopération avec la Chine. Mais le « petit domaine » continue de croître, malgré un scepticisme croissant quant à savoir si de hautes barrières peuvent empêcher la Chine de prendre pied dans au moins certains secteurs technologiques importants.

Au Moyen-Orient, l’administration Biden tente une tactique diplomatique compliquée : elle cherche à empêcher l’Arabie saoudite de se rapprocher de la Chine en étendant une certaine forme de garanties formelles de sécurité à Riyad, et il est probable qu’elle permettra également à ce pays d’accéder à technologie nucléaire sensible, en échange de la normalisation des relations saoudiennes avec Israël. Cependant, on ne sait toujours pas si l'accord sera mis en œuvre, et les critiques ont averti qu'ignorer la question palestinienne et fermer les yeux sur les actions de plus en plus brutales du gouvernement israélien sur le territoire palestinien est une bombe à retardement.

Puis l’événement du 7 octobre 2023 s’est produit. Plus de 1.200 Israéliens ont été sauvagement assassinés et, à ce jour, plus de 10.000 personnes à Gaza, dont 4.000 enfants, ont été tuées par les bombardements israéliens. Cette tragédie actuelle a certaines implications pour la géopolitique et la politique étrangère des États-Unis.

Premièrement, la guerre a sapé les efforts menés par les États-Unis pour normaliser les relations entre l’Arabie saoudite et Israël (empêcher cet effort était presque certainement l’un des objectifs du Hamas). Bien entendu, la guerre ne peut pas arrêter définitivement les efforts visant à normaliser les relations, car les motivations initiales de l’accord seront toujours présentes lorsque les combats prendront fin à Gaza. Pourtant, les obstacles à un accord ont clairement augmenté, et ils continueront à augmenter à mesure que le nombre de morts augmente.

Deuxièmement, la guerre entraverait les efforts de l’Amérique visant à consacrer moins de temps et d’attention au Moyen-Orient et à réorienter davantage ses efforts vers l’Asie de l’Est. Dans un article publié dans Foreign Affairs peu avant l'attaque du Hamas, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré que l'approche « disciplinée » de l'administration au Moyen-Orient « libérerait des ressources pour d'autres priorités mondiales » et « réduirait le risque de nouveaux conflits au Moyen-Orient ». Moyen-Orient." Comme l’ont montré les événements récents, les choses ne se sont pas nécessairement déroulées ainsi.

Le problème est la capacité : il n'y a que 24 heures dans une journée et sept jours dans une semaine, et le président Joe Biden, le secrétaire d'État Antony Blinken et d'autres hauts responsables américains ne peuvent pas se rendre en Israël et dans d'autres pays. consacrer toujours suffisamment de temps et d’efforts à d’autres tâches. La nomination de l'expert de l'Asie Kurt Campbell au poste de vice-ministre des Affaires étrangères pourrait résoudre en partie ce problème, mais la dernière crise au Moyen-Orient signifie toujours que l'Asie disposera de moins de ressources diplomatiques et militaires à court et moyen terme. Un désaccord interne latent au sein du Département d'État – alors que les responsables de niveau intermédiaire sont contrariés par la réponse unilatérale de l'administration au conflit – rendra la situation encore plus difficile.

Bref, la dernière guerre au Moyen-Orient n’est pas une bonne nouvelle pour Taiwan, le Japon, les Philippines ou tout autre pays confronté à la pression croissante de la Chine. Les difficultés économiques de Pékin ne l’ont pas amené à ralentir ses actions agressives envers Taiwan ou en mer de Chine méridionale. Un exemple est un incident récent au cours duquel un intercepteur chinois aurait volé à moins de 10 pieds d’un avion américain B-52 en patrouille. Avec deux porte-avions désormais déployés en Méditerranée orientale et l'attention de Washington concentrée sur cette région, sa capacité à réagir efficacement si la situation s'aggrave en Asie est vouée à diminuer.

Il est également important de se rappeler que je suppose que la guerre à Gaza ne s’étendra pas au Liban ou à l’Iran, ce qui pourrait pousser les États-Unis et d’autres pays dans une nouvelle situation plus dangereuse qui demande plus de temps, d’attention et de ressources.

Troisièmement, le conflit à Gaza est un désastre pour l’Ukraine. La guerre à Gaza domine la presse et rend plus difficile la mobilisation du soutien en faveur d'un nouveau plan d'aide américain. Les Républicains ont hésité à la Chambre, et un sondage Gallup réalisé du 4 au 16 octobre 2023 a révélé que : 41 % des Américains pensent désormais que les États-Unis fournissent trop de soutien à l’Ukraine, contre 29 % en juin.

Mais le problème est encore plus grave. La guerre en Ukraine est devenue une guerre d’usure, ce qui signifie que l’artillerie joue un rôle central sur le champ de bataille. Cependant, avant cela, les États-Unis et leurs alliés étaient incapables de produire suffisamment d’armes pour répondre aux besoins de l’Ukraine, obligeant Washington à utiliser les stocks de Corée du Sud et d’Israël pour soutenir Kiev dans la guerre. Maintenant qu’Israël est en guerre, il va recevoir un approvisionnement en obus d’artillerie ou d’autres armes qui, autrement, seraient destinés à l’Ukraine. Que devrait faire Biden si l’Ukraine commence à perdre davantage de territoire, ou même si son armée commence à s’effondrer ? Dans l’ensemble, ce qui se passe à Gaza n’est pas une bonne nouvelle pour Kiev.

C'est également une mauvaise nouvelle pour l'Union européenne. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a renforcé l'unité européenne malgré quelques frictions mineures, et la perte de voix lors des récentes élections polonaises à cause du parti autocratique et perturbateur Droit et Justice était également un signe encourageant. Mais la guerre à Gaza a ravivé les divisions en Europe, certains pays soutenant pleinement Israël, et d’autres montrant plus de sympathie pour les Palestiniens (sans toutefois soutenir le Hamas). Un sérieux fossé est également apparu entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le commissaire européen aux Affaires étrangères, Josep Borrell, environ 800 membres du personnel de l’UE auraient signé une lettre critiquant Ursula von der Leyen pour son parti pris à l’égard d’Israël. Plus la guerre durera, plus ces divisions se creuseront. Et ils mettront en lumière la faiblesse diplomatique de l’Europe, voire sa perte de rôle, sapant ainsi l’objectif plus large d’unir les démocraties du monde en une fédération puissante et efficace.

Mauvaise nouvelle pour l’Occident mais très bonne nouvelle pour la Russie et la Chine. De leur point de vue, tout ce qui détourne l’Amérique de l’Ukraine ou de l’Asie de l’Est est bénéfique, d’autant plus qu’ils n’ont qu’à rester à l’écart et à regarder les dégâts s’accumuler. Comme je l’ai dit dans un article précédent , la guerre à Gaza donne également à Moscou et à Pékin une nouvelle démonstration de l’ordre mondial multipolaire qu’ils soutiennent depuis longtemps, à la place d’un système dirigé par les États-Unis. Tout ce qu'ils avaient à faire était de faire remarquer à tout le monde que l'Amérique était la principale puissance dirigeante du Moyen-Orient au cours des 30 dernières années, mais que le résultat était une guerre désastreuse en Irak, les capacités nucléaires cachées de l'Amérique, l'Iran, la montée de l'État islamique, une catastrophe humanitaire au Yémen, le chaos en Libye et l'échec du processus de paix d'Oslo. Ils pourraient également ajouter que l’attaque brutale du Hamas le 7 octobre 2023 a montré que Washington ne peut même pas protéger ses amis les plus proches d’événements terribles. Beaucoup ne sont peut-être pas d’accord avec ces accusations, mais la Russie et la Chine trouveront toujours partout leur soutien. Il n'est pas surprenant que les campagnes médiatiques de ces deux pays aient profité du conflit à Gaza pour marquer des points contre ce pays qui se présente comme un « pays indispensable ».

À plus long terme, la guerre entre Israël et le Hamas et la réponse américaine à cette guerre constitueront une « pierre » autour du cou des diplomates américains dans un avenir proche. Il y a eu un écart assez important entre les points de vue américains et occidentaux sur la crise ukrainienne et les attitudes du Sud global, dont les dirigeants n'ont pas réellement soutenu l'invasion russe, mais l'ont fait, en colère contre ce qu'ils considèrent comme une politique de deux poids, deux mesures et une attention sélective. par les élites occidentales. La réaction israélienne aux attaques du Hamas élargit cet écart, en partie parce qu’il y a plus de sympathie pour le sort général des Palestiniens dans le reste du monde qu’aux États-Unis ou en Europe.

Cette sympathie ne fera qu’augmenter à mesure que les combats s’éternisent et que de plus en plus de civils palestiniens meurent, d’autant plus que le gouvernement américain et certains hommes politiques de premier plan en Europe penchent fortement du côté. Comme l’a déclaré un haut diplomate du G7 au Financial Times le mois dernier : "Nous avons certainement perdu la bataille pour le Sud global. Tout ce que nous avons réalisé dans le sud [en Ukraine] a disparu… Oubliez les règles, les lois et l'ordre mondial. Ils ne nous écouteront plus jamais". Ce point de vue est peut-être un peu extrême, mais il n’est pas faux.

En outre, ceux qui vivent au-delà des frontières de la communauté transatlantique sont troublés par ce qu’ils considèrent comme une attention sélective occidentale. Une nouvelle guerre éclata au Moyen-Orient et les médias occidentaux en furent complètement absorbés. Les journaux ont consacré d'innombrables pages à des histoires et des commentaires, tandis que les chaînes câblées ont consacré des heures à couvrir ces événements. Les politiques tentent de donner leur avis sur ce qui devrait être fait. Mais la semaine même où les combats ont éclaté à Gaza, les Nations Unies ont signalé que quelque 7 millions de personnes étaient désormais déplacées de la République démocratique du Congo, principalement à cause des émeutes. Cette histoire est passée largement inaperçue, même si le nombre de personnes impliquées était plusieurs fois supérieur au nombre de victimes en Israël ou à Gaza.

Il ne faut pas non plus exagérer cet effet : les nations du Sud poursuivront toujours leurs propres intérêts et continueront à faire des affaires avec les États-Unis et d’autres pays malgré leur colère et leur malaise face à l’imitation anti-morale de l’Occident. Mais cela ne les rendra pas plus faciles à gérer, et ils ne prendront pas la peine de prêter attention aux bavardages des Américains sur les normes, les lois et les droits de l’homme. Ne soyez pas surpris si davantage de pays commencent à considérer la Chine comme un contrepoids utile à Washington.

En fin de compte, cet événement malheureux n’aidera pas l’Amérique à redorer sa réputation de prouesse en matière de politique étrangère. L'échec du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à défendre Israël pourrait nuire à sa réputation pour toujours, mais les diplomates américains n'ont pas prévu l'effusion de sang et leur réponse jusqu'à présent n'a pas été prévue. Si ce dernier échec s’accompagne d’un autre résultat malheureux en Ukraine, d’autres pays commenceront à remettre en question non pas la crédibilité de l’Amérique, mais son jugement. Et le jugement est ce qui compte le plus, car d'autres pays sont plus susceptibles de tenir compte des conseils de Washington et de suivre l'exemple de Washington s'ils croient que les dirigeants américains comprennent ce qui se passe, savent comment réagir et, au moins, prêtent attention aux valeurs proclamées. Si ce n’était pas le cas, pourquoi devrait-on suivre les conseils américains sur quoi que ce soit ?


Source : Stephen M. Walt, « The World Won’t Be the Same After the Israel-Hamas War », Foreign Policy, 11/08/2023

Stephen M. Walt est chroniqueur pour Foreign Policy et professeur de relations internationales à l'Université Harvard.












samedi 18 novembre 2023

(FR) USA - Chine : Les États-Unis devrait viser une coexistence compétitive avec la Chine.

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Xi Jinping et Joe Biden le 14 novembre 2022 lors du sommet du G20. (Alex Brandon/Ap/SIPA).

Pour la deuxième fois seulement depuis son élection, Joe Biden va rencontrer Xi Jinping. Le président américain va profiter du sommet de l'Apec 2023 à San Francisco, qui aura lieu entre le 13 et le 17 novembre 2023, pour rétablir un début de dialogue avec son homologue chinois. La rencontre est prévue pour le 15 novembre 2023.

Les Etats-Unis cherchent à stabiliser des relations sino-américaines particulièrement tendues depuis de longs mois. En février 2023, l'armée américaine a abattu un ballon chinois, accusé d'espionnage. L'année dernière, la visite de Nancy Pelosi à Taïwan avait exaspéré le gouvernement chinois, qui a mis fin à toute communication militaire entre les deux pays.

Sur le plan économique, les Etats-Unis multiplient les sanctions contre des entreprises chinoises, dont Huawei. Ils limitent aussi les exportations de puces électroniques sophistiquées, qui pourraient être utilisées par l'armée chinoise. De son côté, Pékin a décidé de restreindre l'exportation de matériaux critiques pour la fabrication de semi-conducteurs.


Les relations entre les deux superpuissances sont confrontées à de nombreuses difficultés, mais peuvent encore être gérées si les États-Unis prennent les bonnes mesures.

Malgré une rencontre entre le président Joe Biden et le président Xi Jinping en Californie cette semaine, au cours de laquelle les deux dirigeants ont convenu de reprendre le dialogue militaire, les relations entre les États-Unis et la Chine restent difficiles. Certains Américains ont suggéré une nouvelle guerre froide, mais la Chine est différente de l’Union soviétique. Parce que l’Amérique n’avait aucune interdépendance économique avec l’Union soviétique, mais avait des échanges commerciaux de 500 milliards de dollars avec la Chine.

Même si un découplage partiel ou « réduction des risques » sur les questions de sécurité est une mesure utile, un découplage de l’ensemble de l’économie coûterait cher aux États-Unis, et peu d’alliés le feraient selon. De nombreux pays considèrent désormais la Chine comme leur principal partenaire commercial, et non les États-Unis. Par conséquent, relever le défi chinois nécessitera une stratégie plus complexe.

D’autres aspects de l’interdépendance, comme le changement climatique et les pandémies, obéissent aux lois de la physique et de la biologie et rendent ainsi impossible un découplage complet. Aucun pays ne peut résoudre seul ces problèmes transnationaux. Pour le meilleur ou pour le pire, les États-Unis restent enfermés dans une « concurrence coopérative » avec la Chine. Cela n’est pas sans rappeler la politique d’endiguement de la Guerre froide. Les alliés et partenaires comme l’Inde sont des alliés qui manquent à la Chine, et la richesse combinée des alliés démocratiques dépassera celle de la Chine (plus la Russie) au cours de ce siècle.

Si les États-Unis espèrent transformer la Chine d’une manière similaire à l’effondrement du régime soviétique à la fin de la guerre froide, ils risquent d’être déçus. La Chine est trop grande pour que les États-Unis l’envahissent ou y apportent des changements au niveau national, et l’inverse est également vrai. Ni la Chine ni les États-Unis ne constituent une menace existentielle l’un pour l’autre, à moins qu’ils ne commettent l’erreur d’entrer dans une guerre majeure.

La comparaison la plus pertinente dans l’histoire n’est pas celle de l’Europe d’après la Seconde Guerre mondiale, mais celle d’avant la Première Guerre mondiale. Taïwan pourrait être un point aussi chaud que l’étaient les Balkans à l’époque. L'Amérique devrait aider Taiwan à se défendre, mais dans le contexte du succès de la politique « d'une seule Chine » que Richard Nixon et Henry Kissinger ont créée au début des années 1970. Il y aura probablement des frictions et des conflits économiques de faible intensité, mais l'objectif stratégique de l'Amérique doit être pour éviter l’escalade.

Une telle stratégie est réalisable car les États-Unis disposent d’un grand avantage géopolitique et il est peu probable que la Chine les remplace en tant que première puissance. Géographiquement, les États-Unis bordent deux océans "Atlantique et Pacifique" et ont des voisins amis, tandis que la Chine a des conflits territoriaux avec l'Inde, le Japon, la Malaisie, les Philippines et le Vietnam.

Le deuxième avantage de l’Amérique est l’énergie : la révolution du pétrole et du gaz de schiste a transformé les États-Unis d’importateur en exportateur de pétrole. Pendant ce temps, la Chine dépend fortement de l’énergie importée transitant par le Golfe et l’océan Indien. Les États-Unis disposent également d'un avantage démographique avec une main-d'œuvre susceptible de croître au cours de la prochaine décennie, tandis que la population en âge de travailler de la Chine a atteint un sommet en 2015. En outre, même si la Chine a dépassé la position dominante dans certains sous-domaines, les États-Unis restent en tête dans des domaines clés. tels que la biotechnologie, la nanotechnologie et les technologies de l'information.

La Chine possède des atouts impressionnants, mais aussi de sérieuses faiblesses. Par exemple, la solution au déclin démographique consiste à augmenter la productivité, mais la productivité globale de la Chine est en baisse et le contrôle strict de l'économie exercé par le Parti communiste étouffe l'entrepreneuriat dans le secteur privé.

Il est vrai que l’Amérique a de bonnes pièces d’échecs en main, mais une mauvaise stratégie peut toujours entraîner l’échec du pays. Par exemple, une future administration Trump pourrait éliminer les atouts des alliances et des institutions internationales, ou limiter considérablement l’immigration. L'ancien Premier ministre de Singapour, Lee Kuan Yew ne pensait pas que la Chine surpasserait les États-Unis, car ces derniers ont la capacité d'attirer les talents du monde entier. Compte tenu du nationalisme ethnique et du parti unique de la Chine, ce type d’ouverture serait impossible dans le pays.

La stratégie de Washington envers Pékin devrait consister à éviter les guerres chaudes et froides, à coopérer lorsque cela est possible et à mobiliser ses ressources pour façonner le comportement extérieur de la Chine. Cette stratégie peut être mise en œuvre par le confinement et le renforcement des alliances et des institutions internationales.

La clé pour protéger la première chaîne d’îles au large des côtes chinoises est le Japon, un proche allié des États-Unis, où les États-Unis sont stationnés. Dans le même temps, les États-Unis devraient fournir une aide aux pays pauvres actuellement attirés par l’Initiative la Ceinture et la Route. Par-dessus tout, l’Amérique doit maintenir son ouverture intérieure et protéger les valeurs démocratiques. Les sondages internationaux montrent que les États-Unis disposent d’un « soft power » (douce puissance) bien plus important que la Chine. Et la puissance de dissuasion militaire américaine est également saluée par de nombreux pays qui souhaitent entretenir des relations amicales avec la Chine mais ne veulent pas être dominés par elle. En bref, l’Amérique devrait se concentrer sur une stratégie plus prometteuse pour nous plutôt qu’une répétition de la guerre froide.


Source : "America should aim for competitive coexistence with China" par Joseph Nye, est un professeur à la retraite de l'Université Harvard et auteur du prochain mémoire "A Life in the American Century".








jeudi 16 novembre 2023

(FR) Les fabricants chinois de batteries sont-ils le prochain Huawei ?

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Des voitures électriques BYD attendent d'être chargées sur un navire dans un terminal d'exportation à Suzhou, en Chine, le 11 septembre 2023. AFP VIA GETTY IMAGES


Les voitures électriques, les réseaux de recharge et les batteries fabriquées en Chine présentent de graves menaces pour la sécurité.

L’administration Biden souhaite que la moitié de toutes les voitures neuves vendues aux États-Unis soient électriques d’ici 2030. Parallèlement, l’Union européenne a pris des mesures encore plus audacieuses, exigeant que toutes les nouvelles voitures et camionnettes vendues après 2035 n’émettent aucune émission. Dans l’ensemble, c’est une bonne nouvelle pour la Chine.

Aujourd’hui, les entreprises ayant des liens étroits avec le Parti communiste chinois (PCC) contrôlent près de la moitié de l’approvisionnement mondial en batteries pour véhicules électriques (VE). Même s’il y a certainement des avantages à décarboner le secteur des transports, une adoption hâtive des véhicules électriques ferait plus que consolider les positions sur le marché des géants des batteries de Pékin. Cela pourrait également exposer les États-Unis et les pays européens à de dangereuses cybermenaces, de la même manière que l'expansion incontrôlée du géant chinois de la technologie Huawei a ouvert la voie à la Chine pour accéder aux réseaux de télécommunications occidentaux critiques.

En développant la production de batteries avancées pour alimenter la révolution high-tech de demain, les planificateurs centraux chinois ont été bien en avance sur l’Occident. Le 13e plan quinquennal de la Chine, qui régissait ses investissements industriels entre 2016 et 2020, a souligné comment le contrôle des chaînes d'approvisionnement en batteries et en véhicules électriques, y compris les minéraux critiques de terres rares, pourrait donner à Pékin un avantage concurrentiel sur les États-Unis et d'autres pays. Le plan quinquennal actuel de la Chine va plus loin, en liant les percées dans ces deux domaines à l’émergence de la Chine en tant que « puissance scientifique et technologique ».

Deux géants chinois de l’industrie, CATL (Contemporary Amperex Technology) et BYD, dominent désormais les marchés mondiaux des véhicules électriques et des batteries. CATL, souvent lié au travail forcé ouïghour, produit une batterie de VE sur trois, et BYD est en passe de devenir le premier vendeur de VE au monde. Les deux sociétés doivent leur ascension aux subventions massives de la Chine ainsi qu’à leurs relations commerciales avec les puissantes institutions du PCC. Ces liens, ainsi que d'autres, servent de canaux structurés par lesquels le PCC exerce un contrôle direct et indirect sur la gouvernance interne, les opérations et le recrutement de chaque entreprise, avec de graves implications pour les chaînes d'approvisionnement en batteries.

Dans le cas de CATL, son fondateur et PDG, Zeng Yuqun (alias Robin ZENG), a passé la dernière décennie en tant que délégué scientifique et technologique à la Conférence consultative politique du peuple chinois, l'entité la plus haute supervisant le Front uni chinois – un réseau complexe d'organisations et d'individus. travailler à approfondir le contrôle du PCC sur l’industrie et la société civile chinoises. Le Front uni dirige également les programmes chinois de recrutement de talents à l'étranger qui, selon le FBI et les directives divulguées du gouvernement chinois, facilitent les transferts illégaux de technologies étrangères et le vol de propriété intellectuelleZeng Yuqun est simultanément vice-président de la Fédération panchinoise de l'industrie et du commerce, la plus grande association commerciale du pays, dont les statuts stipulent qu'elle est « dirigée par » le PCC et responsable de « mettre pleinement en œuvre » le programme du président chinois Xi Jinping.

Les liens étroits de CATL avec le PCC vont au-delà de simples affiliations politiques. Conformément aux règles émises par la Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières en 2018 pour toutes les entreprises cotées en bourse, les statuts de CATL, qui régissent ses opérations, notent explicitement que « la société doit établir une organisation du Parti communiste [en interne] et mener des activités de parti ». Ces cellules du parti et les autres liens entre le parti et l'État fournissent au PCC un accès presque illimité aux technologies exclusives et aux données stratégiques du marché de CATL, donnant potentiellement à d'autres entités chinoises un avantage concurrentiel et sapant les positions des entreprises américaines et européennes sur les marchés mondiaux.

Pourtant, dans une démarche qui n'est pas sans rappeler la volonté de Huawei de dominer les secteurs de la 5G et des smartphones, CATL et BYD visent déjà à contrôler les industries adjacentes aux batteries. Il s’agit notamment des réseaux de recharge de véhicules électriques et des systèmes de stockage d’énergie par batterie (BESS) permettant aux services publics de stocker l’énergie.

Se lancer dans la recharge des véhicules électriques est une étape logique pour les deux sociétés, mais BESS repousse les limites de leur influence. De tels systèmes exploitent et stockent l’énergie provenant de diverses sources et la libèrent via les lignes de transport existantes en cas de pénurie d’électricité ou comme réserve pendant les inévitables accalmies de l’énergie éolienne et solaire. Mais il y a un piège : ces batteries chinoises doivent être connectées aux réseaux électriques des pays hôtes, même si elles ne sont actuellement pas soumises à un examen ou à une surveillance stricte ni aux États-Unis ni en Europe. Les sociétés énergétiques américaines ne sont pas non plus tenues de divulguer des détails sur leurs partenariats avec des sociétés chinoises de batteries.

En raison de ces lacunes en matière de transparence, une comptabilité complète des projets BESS chinois en cours et prévus aux États-Unis reste difficile à établir. Cependant, plusieurs ont été inaugurés en Floride , en Virginie , au Texas et au Nevada . De manière alarmante, des batteries CATL auraient été installées sur la base du Corps des Marines des États-Unis à Camp Lejeune, qui abrite une unité d'opérations spéciales chargée d'évacuer les non-combattants de Taïwan en cas d'invasion par Pékin. CATL a commercialisé BESS de manière similaire et agressive dans les capitales européennes, avec des projets déjà en cours en Grande-Bretagne, en Hongrie et ailleurs.

Tout comme pour Huawei, les risques posés par le BESS chinois sont immédiats et indéniables. Une étude de la société britannique de gestion des risques Aon révèle que des déficiences généralisées en matière de cybersécurité associées aux systèmes de contrôle BESS pourraient permettre à des acteurs malveillants de déclencher des pannes d’électricité à grande échelle.

Et un rapport du ministère américain de l’Énergie de 2022 a clairement indiqué que les acteurs malveillants sont déjà « bien placés » pour pirater les systèmes énergétiques distribués, y compris BESS, aux États-Unis. Les cyberattaques chinoises présumées contre le réseau électrique indien en 2021 et 2022 mettent en évidence la volonté du premier de cibler les infrastructures critiques. Les efforts déployés par l’administration Biden pour détecter les hackeurs chinois cachés dans les réseaux d’infrastructures américains soulignent encore davantage la menace.


Source : "Are Chinese Battery Companies the Next Huawei ?" - Craig Singleton est chercheur principal sur la Chine à la Fondation pour la défense des démocraties et ancien diplomate américain.

https://foreignpolicy.com/2023/10/30/china-batteries-electric-cars-charging-networks-catl-byd-zeng-yuqun-huawei-security-risk/ 






lundi 13 novembre 2023

(FR) Une brève histoire du conflit israélo-arabe

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Comment les frontières d’Israël ont-elles changé au fil du temps ? Pourquoi le territoire palestinien autonome est-il situé dans deux zones distinctes ? Les cartes suivantes permettront d’illustrer un siècle de conflit entre Arabes et Juifs en Terre Sainte. Nous commençons en 1916 (voir carte ci-dessus).

Au milieu de la Première Guerre mondiale, le diplomate britannique Sir Mark Sykes et le diplomate français François Georges-Picot furent secrètement chargés de diviser les territoires de l'Empire ottoman. Les négociations diviseraient les terres arabes entre les puissances européennes. La Palestine est désignée comme territoire international en raison de l'importance religieuse de la terre pour le christianisme, l'islam et le judaïsme. En 1917, la Grande-Bretagne a publié la Déclaration Balfour , prônant la création d’une « patrie pour le peuple juif » en Palestine. À cette époque, des colonies agricoles juives avaient commencé à se former en Palestine, et le mouvement sioniste se préparait également depuis que Theodor Herzl avait publiquement déclaré son objectif de former un État juif lors du premier congrès sioniste à Bâle (Suisse)en 1897.


En 1920, la Conférence de San Remo achève la division territoriale de l’Empire ottoman. La Grande-Bretagne fut chargée d’administrer une partie du territoire international couvert par l’accord Sykes-Picot. L'année suivante, ces territoires furent divisés en Palestine et en Transjordanie, un royaume arabe gouverné par la dynastie Hashim. En 1922, la Société des Nations, prédécesseur des Nations Unies, a adopté ce mandat. Plus important encore, il a approuvé la réalisation de la promesse de la Déclaration Balfour. Les Arabes de la région ont de plus en plus eu recours à la force contre les autorités britanniques à mesure que l’immigration juive augmentait, y compris parmi les Juifs allemands fuyant les nazis. En 1936, les Arabes se révoltent. Les autorités britanniques ont rapidement réprimé le soulèvement, mais ont dû limiter l'immigration juive pour apaiser les Arabes. Cependant, des groupes militants juifs ont lancé leur propre soulèvement. Ce mouvement s'est répandu après la Seconde Guerre mondiale. La Grande-Bretagne a finalement abandonné et a laissé la question palestinienne aux Nations Unies.


Après l’Holocauste (Shoah 1941-1945), la pression en faveur de la reconnaissance internationale d’un État juif s’est intensifiée. En 1947, les Nations Unies proposèrent de diviser la Palestine en trois parties : un État arabe, un État juif et Jérusalem, une entité distincte placée sous administration internationale. La violence a continué de s'intensifier. En 1948, après le retrait complet de la Grande-Bretagne de Palestine, les dirigeants juifs ont officiellement déclaré la création de l’État d’Israël. Les pays arabes voisins ont immédiatement envahi.



Israël a remporté la victoire sur l'armée arabe. L’Accords d'armistice israélo-arabes de 1949 a tracé une ligne de démarcation (connue sous le nom de « Ligne verte »), frontière de facto entre Israël et les États arabes. Les gouvernements arabes refusent toujours de reconnaître Israël. Plus de 700.000 Arabes palestiniens ont fui ou ont été expulsés. Les Palestiniens appellent cet événement le jour du désastre Nakba. La bande de Gaza et la Cisjordanie sont respectivement sous le contrôle de l’Égypte et de la Transjordanie (rebaptisée plus tard Jordanie). Jérusalem est divisée.



En 1967, pendant la guerre des Six Jours entre Israël et l'Égypte, la Jordanie et la Syrie, Israël a conquis de nouveaux territoires, notamment la Cisjordanie, Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le plateau du Golan et la péninsule du Sinaï. Israël a annexé Jérusalem-Est, ainsi que certaines parties de la Cisjordanie, et a commencé à construire des colonies juives dans les zones nouvellement occupées.



En octobre 1973, lors de la fête juive de Yom Kippour, l’Égypte et la Syrie ont attaqué simultanément Israël dans la péninsule du Sinaï et sur le plateau du Golan. En 1978, sous les auspices américains, Israël et l’Égypte ont signé les accords de Camp David et le Traité de paix l’année suivante. Israël a accepté de restituer toute la péninsule du Sinaï et d'accorder l'autonomie aux Palestiniens. Les nations arabes indignées ont expulsé l’Égypte de la Ligue arabe. Aucun progrès n'a été réalisé sur la question de l'autonomie palestinienne.



En 1987, la première Intifada a éclaté, lorsque les Palestiniens ont organisé des grèves et des manifestations de jets de pierres. En 1993, Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont signé l’accord d’Oslo I, qui prévoyait une période de cinq ans pour l’autonomie palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sous un seul gouvernement, l’Autorité palestinienne (AP). Cet accord intérimaire a perturbé la situation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza :

- dans la zone A, l'Autorité palestinienne exerce un contrôle civil et sécuritaire total ;

- dans la zone B, ils ont une certaine autorité sur la loi et l’ordre, mais Israël conserve le contrôle de la sécurité ;

- et dans la zone C, Israël conserve le contrôle total. Le statut final de Jérusalem et des colonies sera résolu plus tard. 

La Seconde intifada a éclaté de 2000 à 2005 ; Les rebelles palestiniens ont utilisé des armes à feu et des attentats suicides. Israël a répondu en construisant une barrière de sécurité en Cisjordanie et en retirant ses troupes et ses colons de la bande de Gaza. En Cisjordanie, Israël a également dû évacuer quatre colonies.


Aujourd’hui, la Cisjordanie abrite près de 3 millions de Palestiniens, ainsi que plus de 450.000 Israéliens dans les colonies (sans compter Jérusalem-Est), un nombre qui a été multiplié par quatre depuis la signature des accords d’Oslo. Certains colons vivent désormais en Cisjordanie depuis deux générations. Des colonies entourent Jérusalem. La vie des Palestiniens dans la bande de Gaza est bien pire que celle des Palestiniens des autres régions. Cette zone est sous le contrôle du groupe militant Hamas depuis 2007. Depuis l'arrivée au pouvoir du Hamas, l'Égypte et Israël ont renforcé le blocus de cette zone. L’histoire du Hamas et d’Israël compte cinq affrontements militaires, mais le conflit actuel est le plus sanglant.